Par Le Figaro.fr avec AFP . 29/10/2015. Le pape François a concédé une «indulgence plénière» (pardon des péchés) aux Légionnaires du Christ, un mouvement catholique conservateur éclaboussé jadis par des scandales de pédophilie.
Le «pénitencier majeur» du Vatican, le cardinal italien Mauro Piacenza, a émis un décret en ce sens, en réponse à une requête du directeur général de la Légion du Christ (formée de prêtres et religieux) et de Regnum Christi (formé de laïcs), le père Eduardo Robles Gil.
«Après l’énorme scandale provoqué par le passé sulfureux» du fondateur pédophile et corrompu des Légionnaires, le prêtre mexicain Marcial Maciel, mort en 2008, «la Congrégation a entamé un processus de purification et de renouveau», au cours d’un chapitre général, début 2014, ayant institué de nouveaux statuts et règles, a précisé la radio. Cette «indulgence plénière» est adressée à tous les membres, durant la période de commémoration du 75e anniversaire de leur fondation qui commencera avec la fête du Christ-Roi, le 22 novembre, et se conclura avec la Solennité du Sacré-Coeur, le vendredi 3 juin 2016.
Elle leur sera concédée sous plusieurs conditions, notamment de «consacrer du temps aux oeuvres de miséricorde», d’«enseigner la doctrine chrétienne» et de «participer à des missions d’évangélisation»… Le pape Jean Paul II appréciait ce mouvement qui enregistre de nombreuses vocations religieuses, un argument de poids auquel serait aussi sensible le pape François. Une telle mesure «correspond au style du pape d’accorder le pardon, même si cela ne signifie pas effacer les responsabilités et la condamnation sévère des abus» perpétrés par le père Maciel et d’autres membres de la congrégation, a relevé le vaticaniste italien Ignazio Ingrao.
Légionnaire du Christ ou du diable?
Le Devoir, 9 novembre 2015. Louis Cornellier.
L’affaire Maciel Franca Giansoldati, Traduit de l’italien par Sophie Royère, Albin Michel 2015, 176 pages
Le prêtre mexicain Marcial Maciel Degollado a longtemps été en odeur de sainteté au Vatican. Fondateur et supérieur général de la congrégation des Légionnaires du Christ, présente au Mexique, en Espagne, en Italie, en Irlande et aux États-Unis, le père Maciel était le protégé du pape Jean-Paul II, qui le considérait comme un prêtre modèle. DansL’affaire Maciel, Franca Giansoldati présente pourtant Maciel comme :
« l’homme le plus malfaisant que l’Église ait connu depuis des siècles »
Son histoire, abracadabrante et diabolique, était déjà en partie connue… Tenu pour un parangon de vertu par les autorités de l’Église, adoubé par Jean-Paul II à de nombreuses reprises, le père Maciel a multiplié les agressions sexuelles sur de jeunes séminaristes, a abusé des stupéfiants pour stimuler ses perversions, a vécu dans un luxe ostentatoire tout en prêchant les vertus de la pauvreté, a pratiqué le plagiat et a emprunté de fausses identités pour se marier avec deux très jeunes femmes — l’une mexicaine, l’autre espagnole —, avec qui il a eu des enfants. En 2008, un de ses fils l’accusait lui aussi d’agression sexuelle. Toute la vie du prêtre sent le soufre. Fils de deux ardents catholiques engagés dans la rébellion des années 1920 contre un État mexicain violemment anticlérical, Marcial Maciel a été expulsé de deux séminaires, pour des affaires sexuelles, avant d’être ordonné prêtre en 1944.
Cette même année, un père l’accuse déjà d’agression sexuelle sur son jeune fils. Habile manipulateur, le prêtre noie le poisson et reste libre de se consacrer à la construction de son empire (universités, séminaires, écoles, agence de presse, etc.). Il reçoit l’appui des élites cléricales et économiques d’Amérique du Sud et du Vatican, qui trouvent en lui l’« anticommuniste féroce » dont elles ont besoin. Maciel, en effet, voit des complots juifs, maçonniques et communistes partout et s’oppose radicalement à la théologie de la libération. Jean-Paul II a son homme. Les Légionnaires du Christ sont nombreux (en 2010, ils comptent encore 867 prêtres et plus de 2000 séminaristes) et très conservateurs. La congrégation, qui brasse des milliards, a beau avoir toutes les apparences d’une secte, le Vatican ne peut lever le nez sur son succès…
En 1997, huit anciens séminaristes envoient une lettre à Jean-Paul II, dans laquelle ils accusent formellement Maciel d’agressions sexuelles. Des proches du pape s’emploient à étouffer l’affaire, mais, scandalisé, le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, entend faire la lumière sur ces allégations. Il faudra d’ailleurs attendre l’élection, en 2005, de Ratzinger au poste de pape pour que Maciel soit vraiment mis en cause. Le mal aimé Benoît XVI apparaît comme le héros de cette sordide histoire, selon la journaliste italienne. Contre une raison d’État qui cherche à protéger la réputation du Vatican, le pape allemand choisit la vérité et la justice. En 2006…dans « un chef-d’oeuvre d’hypocrisie diplomatique », le Vatican, obligé d’agir après l’enquête sur Maciel, se contentera d’inviter le prêtre méphistophélique à faire pénitence et à renoncer à tout ministère public, sans plus. « Il continua cependant à se comporter comme si de rien n’était », note Giansoldati avec dépit. Benoît XVI, toutefois, ne lâchera pas le morceau et forcera le Saint-Siège à dénoncer officiellement les agissements de Maciel en 2010. Plusieurs lui en tiendront rigueur, et il est possible que cet épisode ait joué dans son renoncement de 2013. Le légionnaire du diable que Jean-Paul II prenait presque pour un saint est mort en Floride, en 2008, à l’âge de 87 ans. Ses victimes, elles, toutes catholiques, vivent la mort dans l’âme. Ça fait mal à la foi.
http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/454681/legionnaire-du-christ-ou-du-diable
Un livre-témoignage sur les légionnaires du Christ
Fait-religieux.com – Patrick Sbalchiero – 24.10.2013.
En 1941, après une inspiration divine, Marcial Maciel, prêtre mexicain mort le 30 janvier 2008, fonde la Légion du Christ. Le but affiché de cette organisation est de soutenir l’Église catholique dans l’évangélisation de la vie quotidienne des fidèles. Au service du Saint-Siège, les légionnaires ont depuis lors essaimé sur les cinq continents. Aujourd’hui, fort de 70 000 membres laïcs (le Regnum Christi) et d’un millier de prêtres, d’une présence dans les universités et de son influence au Vatican, le mouvement est devenu l’un des principaux piliers de la papauté. De Pie XII à Benoît XVI, les papes successifs lui ont accordé confiance et aide, faisant de la Légion une armée en ordre de marche au service de la « nouvelle évangélisation ».
La face sombre
Une montée en puissance d’autant plus étrange que le père Maciel fut très vite accusé d’actes délictueux d’une extrême gravité : abus sexuels sur mineurs, toxicomanie, etc. Une première dénonciation fut suivie d’une enquête à la fin des années 50. En vain. Pendant plus d’un demi-siècle, ce fondateur va donc mener une double vie et organiser une véritable omerta quant à ses déviances et délits. Jean-Paul II lui accorde même son amitié au nom de leur lutte commune contre le communisme. Enfin, les scandales s’accumulant, Benoît XVI lui demandera de se retirer.
Quant au pape François, il a élevé l’été dernier le père Fernando Vérgez Alzaga, légionnaire du Christ, à l’ordre épiscopal et l’a nommé secrétaire du gouvernorat de l’Etat de la cité du Vatican. Poste important pour un homme qui est déjà à la direction des télécommunications du Saint-Siège. Quel sens donner à cette nomination ? On peut s’interroger, surtout après la lecture du livre-témoignage, paru en septembre, de Xavier Léger, lui-même ancien légionnaire du Christ.
Un livre courageux
Au fil des pages, l’auteur démonte les mécanismes de captation puis d’emprise qu’il a subis au cours de ses sept années au service de l’organisation. Outre la coupure avec le passé, avec sa famille et son univers habituel, il raconte l’emploi du temps démentiel n’accordant pas une minute de répit entre 5 heures 30 et 22 heures ; les manipulations mentales transformant le futur légionnaire en admirateur hébété de Nuestro Padre (le père Maciel), la surveillance et la censure des supérieurs, autorisés à ouvrir le courrier, les règlements intérieurs infantilisant, comme la coiffure avec la raie à droite, ou la façon de monter et descendre les escaliers…
On découvre ainsi une société rigoureusement fermée, extrêmement hiérarchisée, autoritaire, centrée autour du culte du fondateur et de ses écrits. Au sein de la Légion du Christ, la liberté de conscience est inexistante, la culpabilisation permanente, et une vision manichéenne du monde qui implique la présence permanente du diable et du mal et la nostalgie d’un hypothétique âge d’or de la chrétienté. Le reste n’est que décadence. A lire Xavier Léger, le terme de spiritualité est peu adapté pour rendre compte du vécu légionnaire, on découvre plutôt un ensemble de règles et d’examens pratiques qui visent à en faire un soldat obéissant et efficace dans son combat contre le changement, contre ce que Pie X avait baptisé du terme de « modernisme » pour qualifier un monde en perdition.
Une secte en bonne et due forme
L’organisation pèse aujourd’hui autour de 20 milliards de dollars. Un trésor accumulé grâce aux méthodes du père Maciel : proximité avec les milieux financiers, collusion avec tous les régimes politiques, captations d’héritages, abus de faiblesse, etc. En France, l’association « Génération Entreprise » et son leader, le père Rafael, aujourd’hui défroqué et exilé en Argentine, reste un triste exemple des capacités manipulatrices de ces religieux. Et, constate l’ex-légionnaire, rares furent les prélats (nord-américains ou français) qui ont osé interdire la présence légionnaire dans leur diocèse. Il va même plus loin dans son interrogation critique. Pour lui, le Vatican a couvert les dérives de cette organisation et de son leader charismatique. Certes, Benoit XVI a bien demandé au père Maciel de se retirer dans la solitude, mais il ne fut guère obéi et souligne Xavier Léger, le pape n’osera jamais engager un procès ecclésiastique à son encontre.
Aujourd’hui, une question demeure : que va faire le pape François de cette puissante armée? Moi, ancien légionnaire du Christ, 7 ans dans une secte au cœur de l’Eglise – Xavier Léger, en collaboration avec Bernard Nicolas – Edinitions Flammarion – 352 pages ; 21 euros