• 21 décembre 2024 17 h 34 min

Association GEMPPI - SECTES INFOS

Aide aux victimes de dérives sectaires / Informations / Sensibilisation / Formations

Temps de lecture : 33 min.
 
 Quantoc : l’art d’accommoder
le mot quantique à toutes les sauces
 
Richard Monvoisin, Chargé de cours à l’Université de Grenoble 1, membre de l’Observatoire Zététique (www.zetetique.fr)
 
Extrait de « Découvertes sur les sectes et religions » n° 84, des actes du colloque national du 01.01.2010, le trimestriel du GEMPPI. Conférence donnée par Richard Monvoisin le samedi 3 octobre 2009 lors du colloque « Médecines parallèles et risques sectaires » (Extraits adaptés au site internet)
 
Le thérapeute quantique lors d’une séance de réharmonisation énergétique, extrait de « Médecine parallèle »
 
La mécanique quantique est actuellement la théorie scientifique qui créé le plus fort complexe d’infériorité intellectuelle. Il y a bien la Relativité, qui n’est pas mal non plus, tout comme la Théorie du Chaos, mais aucun autre terme ne conjugue autant science, mystère et complexité intellectuelle que le mot quantique.
 
Mécanique quantique. Il faut le dire dans un murmure, avec un air un peu mystérieux et les yeux plissés. En susurrant « méca-Q », comme les initiés, ou en l’écrivant MQ comme je le ferai dans la suite de cet article, on pense à Einstein, on pense aux Bogdanoff, on se dit qu’on pénètre là dans le temple de Delphes, dans la sacristie de la connaissance où tout est tellement obscur qu’il est difficile d’y distinguer un authentique prix Nobel de physique d’une paire de jumeaux russes médiatiques.
Au lycée, avant que je l’étudie pour de bon,le mot quantique était pour moi ce que le feu rouge des Humains est pour Louie, le roi des singes dans Mowgli : j’y voyais un pouvoir qu’il fallait acquérir à tout prix. J’avais envie de m’approcher, de pénétrer des connaissances interdites, mais avec cette peur de me brûler, de devenir fou, de savoir ce qu’il ne faut pas savoir, même d’approcher Dieu et de vérifier si effectivement il joue ou non aux dés.
Je n’avais pas du tout compris que je devais essentiellement cette fascination à un bon plan médiatique.
 
Début 2009, Didier Pachoud, président du GEMPPI[1] a fait un double constat. D’une, on retrouve de plus en plus l’emploi du mot quantique dans tout un lot de thérapies et de pratiques de bien-être douteuses. De deux, ni les patients, ni les thérapeutes n’ont l’air de bien savoir de quoi ils parlent. Or, non seulement des erreurs assez graves sont assénées de-ci de-là qui feraient se retourner Niels Bohr dans sa tombe et Max dans sa planque, mais on assiste à un véritable piratage des concepts quantiques à des fins, disons, mystico-médicales. 
 
Alors Didier lança un appel déchirant la nuit : y aurait-il quelqu’un-e qui pourrait venir présenter quelques notions de MQ lors du colloque annuel, et prendre le problème des thérapies quantiques à bras le corps ? Comme Didier est mon ami, j’ai relayé l’information à une pelletée de copains physiciens ou professeurs de physique. Mais causer de MQ n’est déjà pas simple ; expliquer les dérives des notions sans expliquer la théorie en détail est un pari ; le faire devant un parterre de thérapeutes majoritairement alternatifs relevait de l’acrobatie sans filet. Je n’étais donc pas dupe, je savais qu’il y aurait peu de chances qu’un candidat s’annonce au portillon.
 
Alors je m’y suis collé. J’ai craqué, j’ai dit oui. Cet article est tiré de cette présentation du 3 octobre 2009. Puissent mes amis, et tous les amis du monde bien comprendre en le lisant que la MQ n’est pas la pierre de Rosette, n’est pas un gouffre qui engloutit les esprits, ne permet pas d’approcher Dieu, que s’y intéresser n’est pas une marque de génie, loin de là… au contraire, ces temps-ci lorsqu’on entend le mot quantique, il est plutôt conseillé, tel Ulysse face aux sirènes, de boucher solidement ses oreilles avec de la bonne cire.
 
Les sirènes sont à Ulysse ce que les thérapies quantiques sont à Didier Pachoud
(Herbert Draper, Ulysse et les sirènes XIXe)
 
Zététique
 
Il ne s’agira pas ici d’étudier la MQ elle-même, bien entendu, mais bien de voir en quoi les mauvaises interprétations de la théorie sont récupérées par une petite gamme de pseudo-sciences qui dévoient la théorie et entraînent des dérives à forte consonance sectaire. Et comme je défends la démarche critique, notamment zététique, et la vois comme une éducation populaire, je vais présenter ce que j’ai raconté pendant la conférence, en mettant à disposition toutes les diapositives et les documents dont je me suis servi, ceci afin que quiconque le souhaitant, enseignant ou non, puisse reprendre mon outillage ou s’en inspirer.
Dans la première partie, je donnerai une définition vague de ce qu’on entend par quantique. Dans la deuxième, j’aborderai les concepts développés par les « récupérateurs » du quantique. Je consacrerai une troisième partie à un retour sur les images culturelles et les idées reçus sur le quantique les plus ressassées dans les médias. Une quatrième partie tentera de montrer les dérives idéologiques et parfois sectaires que ces images culturelles sur-interprétées peuvent servir, tandis que dans la dernière partie, j’essayerai de montrer que la faute ne revient pas forcément à qui l’on croit.
 
Pour être totalement dénué de mathématiques, je resterai à fleur du sujet, faisant parfois de grossiers raccourcis. En espérant que les puristes de la discipline ne me lapideront pas à coups de quantons.
Je donnerai à la fin quelques liens vers des œuvres ou ouvrages qui poussent le bouchon un peu plus loin. Que ce soit clair : il n’y a pas besoin d’être spécialiste en physique quantique pour déjouer une grande majorité des pièges qu’elle tend.
 
 
I.               Théories quantiques
 
Feynman plaisantait
 
Comment ai-je commencé ma présentation ? Par une brève histoire : ma première diapositive montrait les grands visages sévères des fondateurs de la mécanique quantique, tous du XXe siècle. Borg, Fermi, Heisenberg, Planck, Pauli, Einstein, et en gros plan, Richard Feynman.
 
Feynman, physicien états-unien décédé en 1988 est un peu plus récent que les autres. Il reçut le prix Nobel en 1965, et devint surtout célèbre pour ses qualités pédagogiques et son humour. Mais il a été aussi l’artisan du mythe de la MQ en déclarant cette phrase devenue célèbre :
            « Je peux dire de manière sûre que personne ne comprend la mécanique quantique[2] ».
Quand un expert d’un domaine nous dit que personne – même lui – n’y comprend goutte, cela calme les ardeurs d’aller se frotter à la théorie. Et quand ils sont plusieurs à le dire, on frise l’apoplexie. Niels Bohr, par exemple :
            « Ceux qui ne sont pas choqués quand ils rencontrent pour la première fois la théorie quantique ne l’ont probablement pas comprise »,
ou John Wheeler, récemment décédé :
            « Si vous n’êtes pas complètement désorienté par la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas ».
 
R. Feynman, « Je peux dire de manière sûre que personne ne comprend la mécanique quantique ».
 
 
Revenons à Feynman : sa phrase, aussi belle soit-elle, est purement marketing et ne veut pas dire grand chose. On pourrait tout à fait écrire aussi « Je peux dire de manière sûre que personne ne comprend la théorie de la gravitation » car c’est tout aussi vrai. Certains épistémologues nous rassureraient en nous disant que de toute façon, la science n’a pas pour objet de comprendre, mais de décrire, et en ce sens, la MQ propose une description ultra-précise des phénomènes sur lesquels elle se penche. Que demander de plus ? Pourquoi alors Feynman a-t-il dit cela ? Probablement parce que la MQ, on va le voir, a ceci de particulier qu’elle est parfois contre-intuitive, c’est-à-dire que ce qu’elle décrit ne ressemble pas vraiment à ce que l’on voit tous les jours. Entre nous, ça ne doit pas pour autant engendrer une grande déférence : la vie des cloportes, la survie des pandas sont aussi contre-intuitives, et personne n’est complexé pour autant devant un spécialiste des cloportes ou des pandas.
 
Donc foin de complexe ! Oublions la phrase de Richard Feynman.
 
Quantique, c’est le beurre en plaquettes
 
Qu’est-ce donc que la MQ ? Aussi surprenant cela soit-il, ce n’est pas si terrifiant. Quantique vient de quantum, qui veut dire petite quantité. Jusqu’au début du XXe siècle, les notions physiques étaient des notions continues. Continu veut dire qu’on peut envoyer valser un objet avec une vitesse de 150 kilomètres à l’heure, de 151, de 150,5, 150,45 ou 150,9999999, bref toutes les valeurs que vous voulez. Pareil pour la chaleur, la température, la conductivité, la force, etc. Or advint une gamme d’observations de phénomènes qui obligea les physiciens à considérer que dans le monde des particules, à une échelle minuscule, il y a des notions qui ne sont pas continues et font des petits sauts de valeur, comme des sauts de puce. Pour faire une analogie, disons que chez le crémier, vous pouvez acheter une valeur continue de beurre (par exemple 147,52 grammes) alors que dans le monde quantique, vous êtes, comme chez l’épicier, contraint d’acheter par plaquettes de 250 ou 500 grammes. Comme ces notions font des sauts, on parle de phénomène quantique, « qui fait des sauts ». C’est tout ? C’est tout.
 
N’est pas quantique qui veut
 
On parle alors de mécanique quantique, – au sens mécanique de description du déplacement (comme dans « mécanique céleste »). On parle de théorie quantique aussi, qui est plus vaste, car elle englobe d’autres aspects dont nous n’avons pas besoin ici, comme la théorie quantique des champs. On parle également de chimie quantique, lorsqu’on utilise la MQ pour comprendre comment des propriétés chimiques naissent entre les atomes. En toute rigueur, mécanique n’est pas le meilleur terme, puisqu’il implique qu’on étudie vitesse et position, ce qui n’est pas tout à fait possible (cf. chap. III). Physique quantique serait la formulation la plus juste : mais Mécanique Quantique est plus utilisé par les récupérateurs du quantique, et Physique Quantique, cela donnerait PQ. Et comme le dit la sagesse populaire, quitte à être impropre, autant économiser du PQ.
 
Depuis quelques temps en France, on voit naître le mot quantique dans des endroits saugrenus. Cette mode remonte aux années 80 aux États-Unis, mais elle est plus récente en France, et offre des surprises de taille. Nous entendons par exemple parler de « thérapies quantiques », dont traitent de plus en plus d’ouvrages aux titres fleuris, au premier rang desquels se trouvent en pagaille ceux de Deepak Chopra, le gourou de la santé, initiateur de ce courant.
 
Exemples :
 
L’ADN et le choix quantique, de Kishori Aird (2005)
Médecine, le grand tournant vers la médecine quantique, de Simone Brousse (2004)
B.A-BA Médecine quantique, de Jean-François Mazouaud (2007)
Le corps quantique, Trouver la santé grâce aux interactions corps/esprit,deDeepak Chopra (2003)
 
Les thérapies revendiquant une quantique portent parfois d’autres noms, comme l’Holoanalyse ou la Reconnexion.
 
Holoanalyse, carte de Daniel Fleury   –   De soi à soi, reconnexion, de Patrick Poinsenet
 
Il arrive même que ces ouvrages, bien achalandés, soient rangés au milieu des livres de physique dans les grandes surfaces. En parallèle est née toute une gamme de produits quantiques, c’est-à-dire des objets qui revendiquent la MQ pour prouver leur efficacité. Entre autres des lasers quantiques thérapeutiques, des physioscans quantiques, des couvertures quantiques et des patchs quantiques, comme ceux de Lifewave, qui ont pour slogan la puissance de la science quantique de demain associée à l’acupressure millénaire (sic !).
 
Exemples :
 
Laser quantum therapy, Physioscan quantique, Patch Lifewave, acupressure quantique
Quanta relax, couverture d’harmonisation énergétique
 
Une sorte de foirfouille du quantique s’est donc peu à peu créée, noyant le client/patient dans une cacophonie de sollicitations dans lesquelles il va falloir essayer de s’y retrouver.
 
I.               Concepts
 
On peut recenser trois grands domaines, hors sciences physiques, dans lesquels le quantique est utilisé. Il y a le champ des thérapies dites quantiques, les voyances quantiques et une branche qu’on pourrait qualifier de paranormal quantique. Comme nous allons le voir, les concepts utilisés par les nouveaux théoriciens quantiques ne sont pas très nombreux. Ils se chevauchent tous un peu, et empruntent au quantique sensiblement les mêmes images, les mêmes lieux communs. Cela va grandement nous faciliter la tâche.
 
Thérapies quantiques
 
Dans le champ des thérapies, voici les notions centrales développées par D. Chopra, le plus célèbre des défenseurs de la médecine quantique. Ces notions sont sensiblement les mêmes chez tous les « thérapeutes quantiques ».
 
1.         La physique quantique permet d’expliquer une « communication intercellulaire ».
2.         La dualité onde-particule de la MQ (cf. chap. III) est une analogie de la dualité en soi, entre le corps et l’esprit. Si l’on prend en compte cette dualité, on peut réveiller des énergies nouvelles, fortement curatives.
3.         Le principe d’incertitude d’Heisenberg, grand pilier de la MQ (cf. chap. III) montre que la science n’est pas suffisante pour tout connaître, et qu’il faut trouver un paradigme complémentaire. Chopra propose en l’occurrence l’Ayurveda, qui est une combinaison religieuse de textes sacrés qui édictent des principes (comme les cinq éléments ou les trois doshas) pour atteindre un bien-être durable.
4.         L’observateur a un rôle dans le monde quantique, donc l’observateur peut influer sur la matière, donc la conscience peut influer sur la matière, donc l’observateur peut décider sa guérison.
 
Dualité, incertitude, inter-cellularité et observateur qui peut influer sur la matière : quatre images très courantes, souvent répétées, et couramment reprises. Quatre images qui se marient très facilement avec d’autres pseudo-médecines : exemple pris chez Jean-Louis Garillon, « docteur » en naturopathie (voir Documentation). On apprend qu’en vertu de la MQ, matière et onde sont une seule et même chose, et qu’un organe sain émet une vibration précise que la fatigue, le stress ou la maladie viennent dérégler. Or, grâce à la MQ, chaque cellule contient l’information de tout l’organisme. Par conséquent, il suffit d’agir par résonance sur l’organe, grâce à l’aromathérapie, pour redonner la bonne fréquence, réparer les données altérées et ré-harmoniser tout l’organisme. C’est beau comme du Prévert, et c’est raconté en vidéo sur Internet. Mais est-ce vrai ?
 
Voyances quantiques
 
Le quantique vient également servir le monde de la voyance et de quelques autres capacités présumées du psychisme humain. On lit fréquemment sur la toile des choses comme :
 
– « [La MQ montre] qu’au niveau de l’infiniment petit, les particules se moquent de l’espace… mais aussi du temps linéaire » (http://www.guidedelavoyance.com/)
– Il existe une autre dimension du réel où les relations de cause à effet seraient purement et simplement abolies, et qui ainsi expliquerait que des esprits particuliers puissent capter des choses échappant au commun des mortels. À ce niveau, est généralement convoqué à citation un auteur spiritualiste, parfois Trinh Xuan Thuan, mais généralement le défunt Olivier Costa de Beauregard, avec des phrases du type :
            « [une autre dimension] qui imprégnerait tout l’univers, en reliant entre eux les points les plus éloignés aussi bien que les plus proches et dans un temps qui rassemblerait passé, présent, futur dans un même instant immuable et comme immobile… L’éternité, en somme, telle que s’appliquent à la définir les catéchismes de la plupart des grandes religions ».
– Il serait donc possible pour les voyants, grâce à leur mystérieux 6ème sens empruntant cette dimension, de deviner le futur et le passé dans le présent.
 
« Paranormal » quantique
 
Question paranormal, les concepts sont sensiblement les mêmes. Par le principe d’incertitude de Heisenberg, l’observateur fait corps avec le système mesuré, ce qui implique que tout système physique serait donc en relation holistique avec tout l’Univers. Cette cohésion universelle cachée, cette intrication (cf. chap. III) permettrait ainsi que tout changement quantique dans un système donné implique un changement quantique dans un autre, ce qui expliquerait par exemple les actions à distance.
Ainsi, les phénomènes de psychokinésie et de Poltergeisten « ne seraient que le résultat inévitable d’un transfert de K-quanta entre le système conscient qu’est le sujet psi et se système fait de l’objet mobilisé psychiquement ».
 
Jean-Pierre Girard, célèbre psychokinète français spécialisé dans une prétendue torsion des métaux par l’esprit, a tenté lui aussi dans son Essai de théorisation du phénomène P.K, d’impliquer la MQ :
            « L’élaboration d’une théorie ressortant du domaine de la mécanique quantique et de l’interaction Esprit-Matière est tout à fait cohérente, si je pose le postulat que la Conscience est capable de faire collapser la fonction d’onde.» (http://www.girard.fr/textes/travaux-recherche.htm)
 
Ainsi on peut s’émerveiller de voir un Jean-P.ierre Girard essayant de « collapser la fonction d’onde ».
 
C’est absolument séduisant. Mais comme se le répète le zététicien, le soir dans son lit à baldaquin : les yeux du cœur ont mauvaise vue.
 
I.                Surinterprétations de la MQ
 
Je vais me cantonner à battre en brèche les interprétations abusives courantes sur cinq des objets culturels les plus cités de la MQ : la formule E=mc2, la dualité onde-corpuscule, le principe d’incertitude de Heisenberg, le chat de Schrödinger et l’intrication quantique.
 
        E=mc²
 
Célébrissime équation,E=mc² ne relève pas vraiment de la MQ – au contraire, elle pose encore des problèmes d’intégration à la théorie quantique. Mais peu importe, elle est incessamment brandie à tort et à travers. Elle est perçue comme l’aboutissement du génie humain, capable en une sorte de théorie du tout, de résumer le monde en quelques lettres. J’utilise à ce niveau de l’exposé un court extrait du docufiction E=mc² biographie d’une équation, deJohnstone Gary (2005).
 
Outre l’image un peu facile et très exploitée médiatiquement d’Einstein comme symbole de l’intelligence humaine, cette équation laisse penser principalement deux choses. D’une part, que tout est énergie ; d’autre part que toute énergie est matière.
 
Prises comme telles, ces interprétations engendrent plusieurs représentations fausses. Tout est énergie, par exemple, nous laisse penser que toute matière est convertible en énergie, et comme le facteur c² est immense, (c est la vitesse de la lumière) tout corps, en particulier le corps humain, renferme une quantité d’énergie incroyable qu’il faudrait apprendre à utiliser. Une masse même petite comme 1 gramme possède potentiellement une quantité énorme d’énergie (environ cent mille milliards de joules, de quoi largement faire des millions de biscottes).
 
Le monde ne se plie pas à nos exigences
 
Ce qui est rarement précisé, c’est qu’il s’agit d’une équivalence entre la masse et l’énergie « de masse », purement calculatoire, et on ne peut pas passer de l’un à l’autre directement. Il y a d’autres lois qui montrent qu’on ne peut espérer convertir la matière en énergie suivant cette formule. Un peu comme si, en regardant les icebergs du Groenland, on imaginait combien de parcelles de déserts on pourrait arroser.
Penser que la matière recèle autant d’énergie vient à l’appui de toutes les croyances postulant des énergies mystérieuses, que ce soit dans le champ des interactions personnelles, des capacités extraordinaires ou dans le domaine thérapeutique. E=mc² sert de viatique pour appuyer l’idée, par exemple que les énergies vitales et curatives existent matériellement – ce qui semble accrédité par l’idée que toute énergie est matière. Ce qu’on conclut trop vite, c’est que même si l’énergie (au sens physique) a une équivalence avec la matière, cela ne rend pas matérielle et physique les énergies des médecines énergétiques, par exemple, qui n’ont que le mot énergie en commun. Voici par exemple ce que l’on peut lire chez Jean-Marie Bataille, dans Le biomagnétisme humain :
            «  Partant du principe d’Einstein démontrant que la matière est de l’énergie, nous sommes tous capables avec les énergies électromagnétiques qui sortent de nos mains de créer un plasma énergétique immatériel, pour le transformer en cellules biologiques matérialisées ».
 
Hélas (je dis bien hélas, car j’aimerais bien que ce soit vrai), l’équation d’Einstein n’est en rien un gage de l’existence d’énergies auto-proclamées, et encore moins une caution de techniques comme l’utilisation des mantra.
            « Einstein formula sa fameuse équation E = mc2, et en accord avec la pensée moderne scientifique qui dit que chaque molécule est issu de l’énergie d’une vibration, chaque atome, at-Om, provient de la vibration primordiale qui est symbolisée par OM » (www.omsweetom.com).
 
Lire ceci doit nous encourager à la méfiance. Même si cette équation ne relève pas du quantique, E=mc² est importante, et explique par exemple pourquoi lors de certaines collisions de masse de l’énergie peut être libérée, ou de la masse créée. Mais il ne faut pas se servir de ce qu’on croit avoir compris pour accréditer ce qu’on aimerait qu’il soit vrai. Comme il se dit souvent en philosophie des sciences, le monde et sa réalité ont peu tendance à se plier à nos exigences.
 
        La dualité onde-corpuscule
 
La dualité onde-corpuscule est le deuxième des objets culturels dévoyés. Il part d’une bizarrerie physique des objets micro-microscopiques (tout petits, quoi) : ces objets possèdent des propriétés d’ondes ET de corpuscules : je mets ET en majuscule pour bien souligner qu’à l’échelle macroscopique, celle de notre vie de tous les jours, ces deux descriptions sont parfaitement incompatibles. Une onde, c’est un déplacement de déformation, comme des ronds dans une flaque d’eau, mais la matière ne bouge pas. Un corpuscule, c’est un grain de matière. Or il n’y a pas d’objet présentant des caractères ondulatoires et des caractères corpusculaires en même temps.
Plus surprenant encore, il semble que ces objets se comportent soit comme une onde, soit comme un corpuscule, selon comment l’observateur cherche à les observer. Un document vidéo que j’utilise ici est une partie animée montrant l’expérience des fentes d’Young tirée de What the bleep do we know (cf. Documentation).
 
Cela lança le festival des interprétations abusives, qui fleurirent comme la mandragore sous les gibets. Elles entretinrent, et entretiennent encore des idées reçues, dont voici les trois plus graves : la matière est duale ; la matière obéit à l’esprit de l’observateur ; et la MQ rompt avec un déterminisme froid et lugubre.
 
L’ornithorynque quantique
 
Que la matière soit prétendue duale est une manière de parler qui a permis à de nombreux spiritualistes (personnes qui postulent que l’esprit n’est pas réductible à la matière, et qu’il existe des entités, comme l’âme qui échappent à la description des sciences) de faire des ponts faciles avec des courants religieux. On y lut la dualité corps-esprit, commune aux religions monothéistes. On a cru y trouver aussi une preuve de la dualité dite orientale, type bouddhiste ou hindouiste, qu’on se représente souvent sous la forme de la boule noire et blanche Yin-Yang. Pourquoi ces ponts avec les courants spirituels, aussi séduisants soient-ils, sont-ils trompeurs ? Parce qu’il n’y a pas de réelle dualité de la matière. C’est une dualité de description seulement. Prenons une analogie rigolote : l’ornithorynque. Imaginons qu’un explorateur du XVIIIe siècle en Australie, tombant face à face avec la bestiole, veuille le décrire : il dira vraisemblablement que cet animal ressemble à un canard. Imaginons maintenant un second explorateur, le voyant de dos, ou de loin : l’animal ressemble plus volontiers à quelque chose proche d’une taupe. Mais l’ornithorynque n’est ni une taupe, ni un canard. C’est un ornithorynque (qu’en anglais on appelle d’ailleurs duck-mole, canard-taupe). On ne parlera pourtant pas de « dualité canard-taupe » ! On dira qu’il existe un autre animal, qui n’est ni un canard, ni une taupe, mais qui selon comme on le regarde, ressemblera au canard ou à la taupe. Il ne viendra pas à l’idée du lecteur d’y voir un pont avec le Yin et le Yang.
Pour la MQ, c’est pareil. Les objets microscopiques ont des propriétés et d’onde, et de corpuscule, ce sont de nouveaux objets.
 
L’ornithorynque, une irréductible dualité canard-taupe ?
 
Un autre exemple facile à utiliser est le cylindre : si son ombre est projetée selon son axe principal, elle sera ronde. Si son ombre est projetée de côté, elle aura l’air carré. Personne ne dira néanmoins que le cylindre est une dualité carré-cercle.
 
Le cylindre est-il à personnalité multiple ?
 
La matière n’a pas pour but de nous faire plaisir
 
Puisqu’on étudie l’objet quantique comme une onde, il se comporte comme une onde. Si on le souhaite corpuscule, il se plie à notre exigence. De là à conclure que la matière obéit à l’esprit, il n’y a qu’un entrechat rapidement franchi. Reprenons l’exemple du cylindre : si on le regarde de face, on le voir rond ; de côté, on le voit carré. Se plie-t-il à notre exigence pour autant ? Nous touchons là un point sensible de la MQ : le langage. Si les enseignants et les vulgarisateurs s’astreignaient à ne plus parler de dualité onde-corpuscule, mais simplement d’un nouvel objet, qu’on appellerait par exemple quanton[3], alors les dérives interprétatives seraient plus limitées, de même que l’ornithorynque a été distingué rapidement de sa dualité canard-taupe.
 
Le déterminisme et les fossoyeurs empressés
 
Le déterminisme est la théorie selon laquelle la succession des événements physiques est due au principe de causalité. On l’illustre souvent par cette parabole : si on pouvait connaitre toutes les positions et les vitesses de tous les fragments de matière de l’univers à un moment précis, on pourrait potentiellement connaître leur position et leur vitesse à n’importe quel moment ultérieur. En gros, connaître la position et la vitesse de toutes les particules du chanteur Carlos à un moment donné aurait pu permettre de prédire ses chansons-phare, comme Big Bisou ou Tirelipimpon sur le chihuahua.
 
Le déterminisme est un peu le croquemitaine de la philosophie des sciences : beaucoup craignent que si déterminisme il y a, alors tout est prédéterminé, le libre arbitre s’évapore, nous ne serions plus que des machines dont même les créations les plus artistiques et les plus sensibles ne seraient que le résultat d’une immense équation. La frayeur qu’exerce sur le pape Benoît XVI la théorie de l’évolution est de cet ordre. Très récemment, en décembre 2009, il écrivait :
            (…) lorsque la nature et, en premier lieu, l’être humain sont considérés simplement comme le fruit du hasard ou du déterminisme de l’évolution, la conscience de cette responsabilité [de l’exploitation de l’environnement] risque de s’atténuer dans les esprits. Au contraire, considérer la création comme un don de Dieu à l’humanité nous aide à comprendre la vocation et la valeur de l’homme.
Situation en faux dilemme : soit on accepte le déterminisme, et on perd sa responsabilité dans le combat écologique, soit on le refuse, et on retrouve la valeur de l’humain. Cette peur du déterminisme est tellement sur-employée comme un levier rhétorique qu’elle a également amené N. Sarkozy à la dénoncer lui aussi dans son livre La république, les religions, l’espérance. Pour résumer, qui refuse les religions et opte pour l’athéisme tombe dans le déterminisme le plus froid, source de toutes les désespérances, et donc d’une frange des délinquances. Raisonnement magique, mais très efficace.
Bref, qui veut tuer le déterminisme l’accuse de la rage.
 
Mais l’enjeu est de taille : qui montre la fin du déterminisme impose d’introduire une nouvelle variable non physique, une volonté immanente, une main invisible. Et comme on nous bassine de dualité onde-corpuscule, l’idée de dualité matière-esprit aidant, la question de Dieu et de ses avatars est réintroduite (ce qu’on appelle couramment une intrusion spiritualiste) au nom du libre-arbitre dans la science, par tous les orifices, si vous me passez l’expression. La MQ, semblant montrer que la matière avait plusieurs facettes dont certaines sensibles à la volonté de l’observateur, devient tout à coup la « preuve » que le déterminisme est mort. Des livres entiers ont chanté cette fin du déterminisme – je pense notamment à certains livres de Jean Staune et de l’ « Université » Interdisciplinaire de Paris.
 
Imprévisible n’est pas indéterministe
 
Or, n’en déplaise aux grincheux, le problème est sensiblement le même que précédemment : le monde physique est comme il est, et non comme on voudrait qu’il soit. Et rien ne montre que la MQ n’est, heureusement ou non, pas déterministe. Le débat étant vite complexe sur cette question, je vous renvoie si vous êtes curieux à l’excellent document de Jean Bricmont qui détaille un peu ce problème (La mécanique quantique pour les non-physiciens, cf. Documentation). Pour ma part, je vais me contenter d’insister sur un point : ce n’est pas parce que quelque chose est imprévisible qu’il est indéterministe.
Je m’explique. Prenons le tirage du loto, chaque soir. Le tirage est imprévisible, au sens où il est peu probable de tomber sur la bonne série de nombre parmi les millions de possibilités. Mais le tirage est déterministe : si nous avions la position et la vitesse de toutes les boules, nous pourrions potentiellement suivre les trajectoires de chacune et trouver le bon résultat. Autre exemple : le temps qu’il fera dans une semaine est difficilement prévisible, mais entièrement déterministe. L’équation centrale de la MQ, l’équation de Schrödinger, tout comme les équations de Navier-Stokes qui régissent les turbulences météorologiques, sont des équations 100% déterministes. Imprévisible ne veut pas dire mort du déterminisme – par conséquent n’est en rien une occasion de réintroduire Dieu, ou un dessein intelligent qui guiderait le monde vers un but prédéfini à l’avance.
 
Points communs entre l’équation de Schrödinger et le loto : imprévisibilité mais déterminisme.
 
 
        Relation d’incertitude de Heisenberg
 
Au tout début le la MQ, un brillant physicien du nom de Heisenberg posa ce qu’on commença à appeler le principe d’incertitude. C’était en 1927.
 
La signification de ce que disait Heisenberg est qu’il n’est pas possible d’imaginer un environnement expérimental permettant de définir la position (ici X) et et la vitesse (ici P, la quantité de mouvement) de façon aussi précise que l’on veut, car vitesse et position n’ont pas de sens en même temps dans le monde quantique. Oui, c’est bizarre, mais c’est ainsi. 
Pressentant qu’il allait être mal compris, Heisenberg transforma vite incertitude en indétermination, mais la traduction en anglais le devança, et installa durablement le terme incertitude. Beaucoup y virent alors un simple problème de mesure, un peu comme vouloir mesurer la taille d’un atome avec un double-décimètre. Mais c’était plus compliqué que cela ; ce n’est pas l’observateur qui n’a pas les outils adéquats, et quand bien même il les aurait, que le problème serait toujours là : il ne pourrait pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Ou, pour faire toucher du doigt le type de problème : si on veut savoir si une allumette marche, il faut l’allumer – mais une fois grattée, on ne sera pas plus avancé.
 
Il s’agit bien d’une indétermination. Et comme Heisenberg l’a prouvé, le fameux principe devient donc en toute rigueur un théorème. Par conséquent, si l’on souhaite être précis, il faut parler de théorème d’indétermination de Heisenberg.
 
Car « principe d’incertitude » a eu un effet désastreux sur le public. Les conclusions tirées furent bien sûr : la fin des mesures, la Nature inconnaissable en soi, la fin des certitudes, et donc celle du déterminisme, que nous avons déjà abordé. Et qui dit fin des certitudes dit que « tout se vaut », et nous fait sombrer dans le relativisme cognitif complet (pour plus de détails, on pourra lire Sokal et Bricmont, Impostures intellectuelles, cf. Documentation).
 
Il suffira d’insister sur quelques points pour sortir du bas-côté. Rappelons que la MQ est totalement déterministe. Rappelons aussi qu’elle a une précision inégalée dans ses prédictions, ce qui bat en brèche l’idée que tout se vaut. Ordinateurs, lasers, diodes, quoi qu’on en pense, sont autant de preuves d’applications de cette redoutable précision.
 
Il faut aussi se méfier du transfert de phénomènes du champ microscopique au champ macroscopique. Imaginez un petit dessin tout moche, prélevé sur une frise : la beauté artistique ne nait que de la frise, c’est-à-dire l’agencement de dizaines de motifs les uns par rapport aux autres, mais le motif tout seul, lui peut être tout à fait hideux. Voyez ? La beauté de la frise nait en prenant du recul. La couleur est aussi un peu le même principe : elle ne naît que parce que beaucoup d’atomes prennent la forme d’un objet, c’est une propriété macroscopique. Néanmoins, un atome seul, même de carbone, n’a pas de couleur.
Dans le sens inverse, c’est pareil : plus les objets sont gros, moins les effets spécifiques de la MQ se font sentir, ce qui fait que pour décrire notre monde usuel, la physique classique est pratiquement exacte. Donc rêver de transférer la (pseudo)dualité onde-corpuscule, ou l’idée d’une (pseudo)incertitude fondamentale de la connaissance, à notre monde, est aussi saugrenu que, disons, de conclure de l’observation des amibes que nous pourrions nous aussi nous reproduire de la même façon si on faisait un effort.
 
 
Exemple de transfert abusif. En 2004, D. Van Cauwelaert, auteur à succès, m’a soutenu le plus sérieusement du monde qu’à la manière des salamandres, si nous nous faisions amputer d’un membre et empêchions ensuite la cicatrisation, alors le membre repousserait de lui-même. C’est le courage qui, selon lui, manque aux scientifiques pour essayer.
 
        Le Chat de Schrödinger
 
L’affaire – car c’est une affaire – du chat de Schrödinger est un incontournable de la MQ. Sans cesse vulgarisé, ce chat, ne lui en déplaise, est une vraie poule aux œufs d’or. Voici l’histoire, mais je vais faire un petit détour nostalgique.
 
Si vous avez fait le lycée – ce qui n’est pas nécessaire du tout pour notre propos – vous vous rappelez peut être cette secousse qu’on peut vivre au lycée quand on étudie les équations du 2ème degré (les ax²+bx+c=0, ce genre de truc affreux) : on nous apprend que les solutions existent si le discriminant est supérieur ou égal à 0, mais qu’elles n’existent pas si le discriminant est négatif. Or, un an plus tard, en terminale, on nous révèle que ces dernières existent tout de même, mais ne sont pas « réelles », comme si elles étaient dans une autre dimension, un autre domaine de nombres ! Ça crée une sorte de déflagration cérébrale, assez perturbante.
 
En MQ, le plus difficile à saisir est que la description du monde qu’elle propose passe par l’utilisation d’outils mathématiques appelées des fonctions d’onde, et qui décrivent les objets non par des mesures, mais par des amplitudes de probabilité. Je passe sur les détails, mais il faut savoir qu’une fonction d’onde peut donner une description de son objet non plus dans un certain état ou un autre, – par exemple ON / OFF – mais d’une superposition de deux états, c’est-à-dire ON et OFF plus ou moins en même temps. Et c’est seulement lorsqu’une mesure va être faite que l’état de l’objet va bifurquer, se figer, en ON ou en OFF. Un atome peut se retrouver par exemple dans un état quantique superposé, à la fois intact et désintégré, qui ne sera tranché en intact ou désintégré qu’à partir du moment où quelqu’un va venir le regarder. On se croirait devant la Licorne Rose Invisible, qui disparait dès qu’on la regarde ![4]
 
Chat de Schrödinger vs chat de Cheschire
 
Pour illustrer ce problème, Erwin Schrödinger, semble-t-il inspiré par le chat d’Alice au pays des merveilles, a imaginé une expérience dans laquelle un chat est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui tue l’animal dès qu’il détecte la désintégration d’un atome d’un corps radioactif. Schrödinger imagina un détecteur de radioactivité type Geiger, relié à un interrupteur provoquant la chute d’un marteau cassant une fiole d’acide cyanhydrique liquide sous pression – une fois le flacon brisé, le liquide se vaporise, devenant un gaz mortel qui dessouderait le chat. C’est cruel, n’est-ce pas ? Pour la petite histoire, Einstein, lui proposa un baril de poudre pour faire sauter le chat, ce qui n’est guère plus gentil.
Si les probabilités indiquent qu’une désintégration a une chance sur deux d’avoir eu lieu au bout d’une minute, la MQ indique que, tant que l’observation n’est pas faite, l’atome est simultanément dans deux états (intact/désintégré). Or le mécanisme imaginé lie l’état du chat (mort ou vivant) à l’état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l’état mort et l’état vivant), jusqu’à ce que l’ouverture de la boîte (l’observation) déclenche le choix entre les deux états. Du coup, on ne peut absolument pas dire si le chat est mort ou non au bout d’une minute. On dit que le chat est mort-vivant, ce qui plaira aux amateurs de films d’horreur. Mieux, on dira plus précisément que le chat est « MORT+VIVANT » ce qui, il faut l’avouer, peut empêcher de dormir un moment.
 
Un enseignant disait un jour que demander si, dans ce cas, le chat est mort ou vivant revient à demander si, à 13h15, la petite aiguille est horizontale ou verticale.
 
Mort-vivant ?
 
Qu’est-ce qui cloche ? Notre intuition nous dit que les phrases « le chat est mort » et « le chat est vivant » ne peuvent être vraies en même temps. Mais dans le monde quantique, il existe une troisième possibilité : le chat peut être dans un état de superposition, dans lequel il cumule plusieurs états classiques incompatibles. Il n’y a pas de problème logique, c’est juste qu’un objet quantique peut avoir des propriétés contredisant notre expérience quotidienne. C’est l’utilisation du chat, macroscopique, qui fout le bazar, car cette superposition d’état n’existe pas hors du monde microscopique, et dans le monde quantique, vie et mort perdent leur sens (comme la notion de couleur, abordée précédemment).
En résumé : continuer à utiliser le chat est un stratagème pédagogique efficace, mais source de mauvaise interprétation.
 
 
Je passe sur les implications de ce problème, qui sont immenses : elles donnent des théories interprétatives fort nombreuses et très stimulantes intellectuellement, dont certaines tendent vers la science-fiction (comme la théorie des multi-univers d’Everett). Parmi ces théories, il y a une sorte de courant spiritualiste posant la conscience, voire l’âme, comme le paramètre faisant bifurquer la superposition quantique. De bons scientifiques, généralement mus par des velléités religieuses ou spirituelles, ont été séduits par cette interprétation sexy, et y ont donné une audience tenant plus à leur goût personnel qu’à la scientificité des hypothèses. Quant aux médias, ils y trouvèrent un tonneau sans fond sur la question des réconciliations science-religion, avec des figures médiatiques servant complaisamment cette soupe, de Hubert Reeves à Trinh Xuan Thuan, de Bernard d’Espagnat aux Bogdanoff. En corollaire, on a pu voir naître avec l’avènement d’Internet tout un tas de sites utilisant cette « puissance de l’esprit » dans les phénomènes physiques – l’exemple le plus parlant étant certainement celui de Jean-Pierre Girard (cf. Chap. 2).
 
N’oublions pas ceci : la superposition des états ne décrit pas tant la réalité que seulement ce qu’on en sait. Au fond, peu importe pourquoi, ce qui compte, c’est que la description de la MQ rende bien compte des phénomènes. C’est tout ce qu’on lui demande.
 
        Intrication et téléportation quantiques
 
Vous en êtes désormais convaincu, le monde quantique est bizarre. Et dernière grosse bizarrerie, l’intrication quantique.
Si on se rappelle bien l’histoire du chat, un objet quantique peut être en quelque sorte dans deux états superposés. L’intrication quantique désigne le fait qu’un système formé par deux objets doit être décrit globalement, sans pouvoir séparer un objet de l’autre bien qu’ils puissent être séparés et fortement éloignés. En gros, c’est comme si on séparait le blanc du jaune d’un œuf, que le blanc servait à faire une meringue, et le jaune à dorer une chouquette, et qu’en agissant ensuite sur la chouquette, on transformait… la meringue. À l’état macroscopique, ça n’est plus valable. Mais entre deux atomes liés qu’on casse en deux et qu’on éloigne, il se passe un peu la chose suivante : comme si une immense tige se tendait entre les deux atomes, et qui faisait qu’en tournant le premier atome d’un demi-tour, on faisait automatiquement tourner l’autre atome, même très très loin. Sauf que la tige n’existe pas. C’est cela qu’on appelle l’intrication : on ne peut pas raisonner sur deux objets différents, mais sur le système formé par les deux objets même s’ils sont séparés.
 
Voir le document vidéo (vid3) What the Bleep do we know, down the rabbit hole, présentant de manière très visuelle l’intrication, même si, sur la fin, on sent déjà poindre l’interprétation holistique mystique.
 
Là encore, on retrouve la cohorte des interprétations les plus métaphysiques : tout est lié en un immense cosmos ; une action sur une partie crée une action sur tout ; agir sur une cellule crée un effet sur tout le corps ; actions à distance et capacités psychiques de guérison seraient donc possibles, etc. Les médias là encore n’ont pas contribué à calmer les esprits en parlant de téléportation quantique. Bien sûr, le terme est vendeur, et nous transporte dans le monde des fictions et de Retour vers le Futur. Mais il ne désigne rien d’autre que ce que nous abordions avec l’action par la tige. Imaginons le système formé par les deux faces d’une pièce de monnaie. Imaginons que nous séparions les deux côtés, et qu’on les éloigne, très loin. L’un des côtés montrerait pile, l’autre à des milliers de kilomètres, montrerait face. Ce qu’on appelle téléportation quantique est le fait que tourner l’un des côtés va automatiquement tourner l’autre côté : celui qui était pile devient face, et celui qui était face devient pile. Super, non ?
 
Mais ne nous méprenons pas : contrairement à ce qu’affirme le courant spiritualiste, ce n’est pas l’esprit, l’âme ou la conscience qui crée le lien entre les deux objets, c’est la structure de l’espace qui fait ça, et qui crée ce qu’on appelle des variables non-locales (elles ne sont pas collées à l’objet). Il ne s’agit pas non plus du système des deux objets qui a don d’ubiquité et peut être en deux endroits à la fois.
L’erreur principale vient du mot téléportation. Nous imaginons tous qu’il y a transfert de matière dans ce processus, comme dans la téléportation du savant dans La Mouche de D. Cronenberg, mais ce n’est pas le cas. 
 
 
Le phare d’Ouessant
 
Pour montrer cette nuance, laissez-moi vous narrer l’histoire d’un phare breton. Imaginons-nous sur l’île d’Ouessant, avec le phare qui promène un faisceau de 100 mètres de long, à la vitesse d’un tour par seconde. Un petit calcul ̶ le seul de cet article – montre que l’extrémité du faisceau de lumière va parcourir en une seconde un cercle de 100 m de rayon, soit un périmètre de 2∏R = 2∏x100 mètres par seconde. Ce qui donne 628 mètres / seconde.
 
Imaginons qu’on équipe le phare d’un projecteur plus puissant, qui permet de faire un faisceau cette fois d’un kilomètre. Le même calcul montre que la pointe du faisceau se promènera donc à la vitesse de 2∏x1000 par seconde, soit 6280 / seconde, ce qui équivaut à plus de 22000 km à l’heure.
Imaginons un phare archi-méga-ultra puissant, qui projette de la lumière maintenant à 50000 km. La pointe du faisceau atteindra alors la vitesse de 2∏ x 50 000 kilomètres par seconde, soit… 314 000 km/s. Nous avons alors dépassé l’indépassable, c, la vitesse de la lumière ! (qui est de presque 300 000 km/s). Comment est-ce possible ?
C’est très simple : la vitesse de la lumière est indépassable, ce qui signifie qu’une particule quelle qu’elle soit ne pourra jamais dépasser cette vitesse. Or, le cas du archi-méga-phare est un peu comme celui d’une Ola dans un stade : ce n’est pas parce que l’information Ola fait le tour du stade en quelques secondes que les gens qui se lèvent et se rassoient battent un record de vitesse. Ce qui se promène à une vitesse plus grande que c, ce n’est pas une particule, c’est l’arrivée au bout de 50 000 km de plein de particules. Encore une autre image : un arroseur à jet d’eau, qui fait psshht pshhht sur les pelouses, peut tourner à la vitesse qu’il veut, ce ne sont pas les mêmes gouttes qui forment le cercle.
Cela nous fait donc deux bonnes nouvelles.
La première est que si vous faîtes le pari avec quelqu’un, vous pouvez lui démontrer, avec un phare, ou mieux, avec des plots lumineux de chantiers par exemple qui s’allument consécutivement, qu’on peut faire en sorte que quelque chose (en l’occurrence une information, et non un objet) dépasse la vitesse de la lumière. Pas mal, non ?
 
Gagnez votre pari en montrant qu’avec des plots lumineux de chantier une information peut dépasser la vitesse de la lumière.
 
La seconde est que ce n’est pas parce qu’une information circule très vite ou instantanément qu’il y a téléportation. Je vais m’arrêter là, car je ne voudrais pas rendre complexe le débat, mais cette nuance est tout à fait importante à saisir.
 
I.               Détournements idéologiques
 
Pourquoi avoir pris toutes ces précautions ? Vous pourriez me dire qu’au fond, il ne s’agit que de vendre une panoplie d’outils pseudo-scientifiques, de gadgets comme il y en a tant, rien de plus.
Et pourtant… Tout d’abord, il y a ces fameuses thérapies quantiques, dont on attend les preuves de leur efficacité. Nous savons que dans les cas de maladies graves et rapides, il n’y a guère le temps de faire plusieurs choix thérapeutiques. Aussi vanter une thérapie dont on n’a pas la preuve de la validité peut être synonyme d’aggravation, ou de décès[5].
Il y a aussi une mise en garde profonde à faire sur les déviances de type sectaires. Pour illustrer mon propos, je reprends les trois exemples disponibles dans le célèbre documentaire What the bleep do we know, down the rabbit hole.
 
Masaru Emoto
 
Emoto est un chercheur autodidacte japonais, diplômé en médecine alternative par l’Open International University for Alternative Medicine d’Inde qui étudie les effets de la pensée et des émotions sur l’eau. Au moyen d’études fortement entachées de biais qu’il n’a ni reproduites sous contrôle, ni publiées dans une revue scientifique à comité de lecture, il avance qu’on peut changer la structure de l’eau, et créer des cristaux particuliers, simplement en écrivant sur la bouteille des émotions, comme amour, haine, etc. Hélas, la notoriété de ses travaux dépasse largement leur qualité. Il est aujourd’hui président de l’institut de recherche d’IHM Corporation, ainsi que président du Project of Love and Thanks to Water, et son mouvement prend des contours de plus en plus sectaires.
Project of Love and Thanks to Water, de Masaru Emoto
Dans le documentaire, on voit une exposition d’images tirées de la pseudoscience d’Emoto, et un commentaire disant en substance :
            « Si une telle action est possible sur l’eau (sachant que notre corps est composé de 95% d’eau) imaginez l’action possible que cela pourrait représenter sur nous-mêmes. »
Avec des Si, on peut dire beaucoup de choses. Et c’est le physicien mystique Amit Goswami, connu pour ses tentatives de réconciliation de la science avec l’Advaita Vedanta et la théosophie, qui vient conclure ainsi :
            « Mais si la réalité est constituée par les possibilités de ma conscience (…) je peux créer moi-même la réalité. Cela peut sembler une théorie nébuleuse d’un adepte du New Age qui ne comprend rien à la physique. Mais c’est ce que nous enseigne la mécanique quantique ».
Malheureusement, ce n’est pas vraiment ce que nous enseigne la MQ. En attendant, on apporte de l’eau (cristal) au moulin d’Emoto et aux mouvements dénoncés comme sectes par nos parlementaires qui reprennent ses postulats, comme la Fraternité Blanche Universelle[6].
 
L’effet Maharishi
 
Le deuxième exemple est celui de l’« effet Maharishi ». On entend John Hagelin, de la Maharishi University, décrire comment le taux de criminalité de Washington DC fut abaissé durant deux mois par 4000 praticiens de la Méditation Transcendantale, et là encore, c’est la MQ comme porteuse d’un nouveau mode de conscience et de rapport au monde qui est sollicitée.
 
Présentée comme cela, on a envie de serrer John Hagelin dans ses bras et de rejoindre ses rangs de méditants, comme le firent en d’autres temps les Beatles[7]. Seulement l’expérience n’en était pas une : pas de comparaison réelle des taux, taux de réduction variable, pas d’analyse en double-aveugle, pas de groupe-témoin, bref, une pseudo-expérience ce qu’il y a de plus navrant sur le plan protocolaire, qui lui a d’ailleurs valu, rappelons-le, le prix IgNobel (pour les études les plus stupides) en 1994.
 
 
Une propagande anti-médicament
 
Le meilleur est pour la fin dans le documentaire What the bleep : la femme qui sert de fil conducteur a le regard perdu, et admire la ville et ses lumières. Défilent alors plein d’« experts » qui ont parlé de quantique dans le film.
 
Goswami : « Pour reconnaître le moi quantique, le lieu où l’on a vraiment le choix, pour reconnaître l’esprit, quand survient ce glissement de perspective, on parle d’illumination ».
Intervient alors Jeffrey Satinover, psychanalyste : « La mécanique quantique permet au phénomène intangible de la liberté d’être amalgamé dans la nature humaine ».
Goswami encore : « la physique quantique est en réalité la physique des possibilités. La question est de savoir qui a ces possibilités et qui choisit parmi elles pour nous donner une expérience donnée. La seule réponse satisfaisante et qui a un sens est que la conscience est le fondement de toute existence ».
Et tandis que notre héroïne, épuisée, s’endort sur un banc, sont vantés les avatars, Jésus et Bouddha.   Puis retentit un discours décousu de Judy Zebra Knight, alias Ramtha (possédée par l’esprit de Ramtha), dirigeant la plus célèbre école de channeling mediumnique d’Amérique, – dont, sachons-le, les trois producteurs du documentaire sont des élèves.  
Au matin dans une musique synthétique New Age, l’héroïne se réveille, fraîche et dispose, s’étire devant le fleuve, met sa main à la poche, et y retrouve une boîte de ce que l’on présume être des anxiolytiques. Alors elle réfléchit, puis prend la boîte et, au ralenti, les yeux fermés, lance ses médicaments dans une poubelle comme signe de sa délivrance. Tout cela grâce à la mécanique quantique.
 
II.          La « faute » à qui ?
 
Qui incriminer ? Que faut-il faire pour éviter un tel dévoiement des concepts quantiques à des fins marketing ou idéologiques ?
Au premier degré d’analyse, on tend à penser que les individus non scientifiques ou pas spécialistes sont certainement charmés par les notions séduisantes des thérapeutes quantiques qui, telles des sirènes, les emmèneraient vers leur perdition : la faute reviendrait alors à Deepak Chopra et ses épigones, – dont dire qu’ils en font un commerce serait une litote : car pour Chopra, on devrait parler d’industrie. Le monsieur pèse autour de 15 millions de dollars[8].
Toutefois, si l’on pousse l’analyse à un degré de plus, on se rend vite compte que malgré quelques opportunistes utilisant sciemment le marketing quantique comme d’autres l’ADN végétal, une frange non négligeable de ces thérapeutes est sincère dans sa démarche.
De quelle manipulation alors les « quantocs » du quantique seraient-ils donc le jouet ?
 
La source du problème est dans les médias
 
J’ai ma petite hypothèse, depuis mes recherches sur les médias. Pour m’en rendre compte, il m’a fallu prendre le problème là où il démarre, avec cette question simple. Quand est-ce que l’homme ou la femme du monde, comme mon oncle par exemple, entend parler de MQ ? La réponse est : soit dans les revues type Sciences & Avenir et Science et Vie en kiosque ; soit lorsque les frères Bogdanoff passent à la télé.Un bruit de fond média-quantique
 
 
Or, si l’on regarde de près quels types de représentations de la MQ nous donnent les revues de vulgarisation, on retrouve… exactement les mêmes interprétations abusives qu’abordées précédemment. En clair, thérapeutes comme patients potentiels baignent dans le même flot d’information quantique mysticoïde.
 
 
Effet Coupe-faim
 
Lire que la MQ est un pont vers le Nouvel Age, fait toucher les limites du réel ou amorce une révolution de conscience est un phénomène addictif : le média annonce quelque chose qui crée la soif, l’appétit : un titre comme « la mécanique quantique chamboule-t-elle notre représentation du monde ? » a des vertus apéritives.
Le dossier présenté ensuite remplira en quelque sorte le rôle de coupe-faim intellectuel, qui nous rassasie pour un instant. Pour un instant seulement car il suffit d’une discussion un peu élevée avec un spécialiste pour se rendre compte qu’il nous manque encore pas mal de choses, et notre cerveau a encore besoin de manger ! Mais qu’on se rassure, il ne passera pas un mois sans voir réapparaître dans les kiosques la question quantique dans l’une ou l’autre des revues de vulgarisation, généralement jouant sur les mêmes objets culturels.
Le résultat : un article de Sciences & Avenir est à la théorie quantique ce que la barre chocolatée est à la tortillade de fruits de mer en sauce. Un coupe-faim.
 
L’illusion de la science sans peine
 
Les médias nous entretiennent vite dans l’illusion d’avoir compris l’essence même de la théorie, et ce sans effort. Une sorte de « science sans peine ». Et comme la vulgarisation scientifique fonctionne ainsi à coups d’images simples et de métaphores, il arrive qu’on prenne le messie pour une lanterne et la métaphore pour argent comptant. Ne reste alors dans l’esprit de mon oncle que la métaphore, que le scénario médiatique qui a assuré le succès commercial ̶ en général, le titre de la couverture du journal. C’est cela qui peut le mettre à la merci des quantocs. C’est dans ce terreau-là, dans cette illusion d’avoir cerné la théorie quantique, que des marchands de soin, de rêve, ou de métaphysique viennent planter les graines de leurs propres « théories  quantiques ».
 
Boucle médiabolique
 
Tout ceci pourrait être représenté comme le fruit d’une boucle « médiabolique », qui consisterait en ceci : le journaliste, souvent pigiste et précaire, qui tient à son poste, veut complaire à sa rédaction, dont le but principal est de vendre. Or pour remplir cet objectif, il faut plaire au public, l’allécher avec des couvertures séduisantes, l’attirer. Et pour cela, tous les ressorts sont bons, de l’émotion, de l’insécurité, du scoop plus ou moins bricolé, du mystique et du paranormal. Et comme le public est lui-même déjà baigné dans cet univers, il ira chercher les revues dont les couvertures empruntent les idées qu’il a déjà – que la MQ est vraiment bizarre, ou que la physique n’a plus de sens. Et tant pis si les sciences y sont torturées, c’est un pis-aller. Ce qui donnera raison au pigiste et à sa rédaction, etc. etc. Une sorte de mercantilisation globale de l’information scientifique.
Alors la faute ? Elle ne reviendrait pas à quelqu’un en particulier, mais à un système qui prend d’abord pied sur la précarité des journalistes et la visée purement commerciale des revues.
 
Non à la marchandisation de l’information scientifique
 
On m’a reproché que j’étais un peu sec avec la vulgarisation scientifique. J’assume, c’est effectivement le cas. D’une part parce que personne ne le fait – le vulgarisateur jouit, comme l’humanitaire, d’une aura de respectabilité en soi. D’autre part parce que tant que la vulgarisation répondra plus à un enjeu commercial qu’à un enjeu d’éducation populaire, il y aura une mercantilisation des théories. On pliera les connaissances au bon vouloir de l’audience, on laissera les Bogdanoff remplir nos fantasmes, et Yves Coppens malmener la paléoanthropologie pour que ses docu-fictions se vendent mieux.
 
Pour finir, si je ne devais insister que sur un point, ce serait celui-là : une théorie scientifique, c’est comme une langue vivante. Soit on ignore tout, mais on en est conscient, on ne pète pas plus haut que son derrière et on fait le deuil d’un avis éclairé sur la question.
Soit on bosse le lexique de base, les phrases-type : on sait qu’on n’est pas spécialiste, mais on n’est pas dupe, et au moins pourra-t-on se débrouiller dans les cas urgents.
Soit on maîtrise la théorie. Mais cela demande du boulot, d’autant plus que la langue/théorie est exigeante. Rien d’impossible, bien sûr. Comprendre la MQ, c’est comme lire du chinois. C’est possible, mais ça prend du temps.
 
Alors message aux vulgarisateurs : faire croire aux gens qu’en trente secondes et deux couvertures de Sciences & Avenir ils sauront tout sur la physique quantique est non seulement leur mentir, les asservir avec de la soap-science qui s’auto-entretient. Mais il y a pire : une mauvaise vulgarisation peut contribuer à les mettre à la merci des imposteurs et colporteurs quantiques de toute sorte.
Nous avons tous une responsabilité dans cette boucle médiabolique. L’information scientifique est la nourriture de l’esprit critique, et il est un devoir de refuser la malbouffe.
 
Documentation
 
Diaporama & Vidéos
 
        Le diaporama de Richard Monvoisin est disponible ici (lien).
        Les extraits vidéos utilisés sont là (lien).
        Vidéo 1 : extrait E=mc²
        Vidéo 2 : extrait fentes d’Young
        Vidéos 3 et 3 bis : extrait Intrication et interprétation de Goswami
        Vidéo 4 : extrait Emoto
        Vidéo 5 : extrait Maharishi effect
        Vidéo 6 : extrait propagande anti-médicament
        Les vidéos entières sont disponibles ici :
        Aromathérapie quantique du Dr Pénoël
        E=mc² Biographie de l’équation, Johnstone Gary (2005)
 
Pour pousser plus loin la réflexion, voici quelques lectures tout à fait profitables :
        Jean Bricmont, La mécanique quantique pour les non-physiciens (2007) disponible ici
        Jean Bricmont et Herbé Zwirn, Philosophie de la mécanique quantique, Vuibert (2009)
        Jean Dubessy, Guillaume Lecointre, Jacques Bouveresse, Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Syllepse, 2ème édition (2003)
        Richard Feynman, Le Cours de physique de Feynman, tome 3 – Mécanique quantique, Dunod (2003)
        Jean Dubessy, Guillaume Lecointre, Marc Silberstein, Les matérialismes (et leurs détracteurs), Syllepse (2003)
        Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob (1997)
        Sven Ortoli, Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques, La découverte Poche (1998)
        Confusion quantique, la physique moderne confirme-t-elle le paranormal ? http://charlatans.info/quantique.shtml
        (En anglais) Stephen Barrett, A few thoughts on
Ayurvedic Mumbo-Jumbo
 
Pour un œil critique sur le documentaire What the bleep do we know, down the rabbit hole, (en anglais)
        Michael Shermer, Quantum Quackery, Scientific American 292(1):234 2005 disponible ici
        Skeptico, What the (Bleep) Were They Thinking?
 


[1]GEMPPI : Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la prévention de l’individu, association marseillaise.

[2]Dans R. Feynman, The Character of Physical Law (1965) Chapitre 6

[3]Et ceux qui les étudient s’appelleraient des quantonniers, hé hé, on rigole bien dans le monde quantique.

[4]Adresse du culte : http://filer.case.edu/~bct4/

[5]Pour d’autres remarques sur ce thème, j’ai écrit un article dans les Actes du colloque national
« Science, pseudo-sciences et thérapeutiques déviantes », GEMPPI, 2006 disponible ici http://www.psyvig.com/default_page.php?menu=1010&page=8

[6]On peut en savoir plus avec cette Petite histoire fraternelle, blanche et universelle, Publication de l’Observatoire Zététique N°36 http://www.zetetique.fr/index.php/nl/78-poz-nd36#Enquete

[7]Chroniques zétético-musicales n°02 : George Harrison http://www.zetetique.fr/index.php/divertissement/272-chroniques-zetetico-musicales-nd02-

[8] Chopra a gagné le prix Ig Nobel 1998 des études les plus ridicules, « pour son interprétation unique de la physique quantique et de ses applications à la vie, la liberté et la quête du bonheur » (http://improbable.com/ig/winners/).
 
 
 

Un exemple concret est présenté dans cette vidéo de 15 minutes, montrant ce qu’il se passe souvent dans l’intimité du cabinet d’un thérapeute sectaire, notamment les faux souvenirs induits (FMS)

Cults and alternative Medicines. Highlights the pseudo-scientific discourse of alternative medicines and dangerous abuses, including false memories induced (FMS). (15’51)

https://www.youtube.com/watch?v=czW1Nxr_EuU   (Médecine parallèle)

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