Visite à un salon bio santé
Témoignage et réflexion, banalisation du new age
Corinne Evanesse, correspondante du GEMPPI
Publié le 01.10.2011 dans le trimestriel du GEMPPI : Découvertes sur les sectes et religions
SOMMAIRE
– les produits bios………………………………………………………………………………………….
– les semences anciennes………………………………………………………………………………..
– le lait de jument et le lait de vache……………………………………………………………………..
– les produits de beauté bios……………………………………………………………………………..
– les huiles essentielles l’aromathérapie………………………………………………………………..
– les naturopathes………………………………………………………………………………………….
– les régimes alimentaires des naturopathes……………………………………………………………
– le régime dissocié………………………………………………………………………………………..
– le régime des chasseurs cueilleurs !……………………………………………………………………………….
– quelle est la clientèle des salons bios………………………………………………………………….
– conclusion…………………………………………………………………………………………………
– bibliographie………………………………………………………………………………………………
Voici quelques semaines, au cours d’un déplacement en province, j’ai eu l’occasion de me rendre à un salon bio-santé accompagnée d’une copine fervente écologiste et adepte des produits « bios ».
Ce type de salon qui n’avait qu’une audience confidentielle il y a encore quelques années, connaît de plus en plus de succès. Les français sont inquiets des conséquences de la pollution et des différents scandales touchant l’industrie agro-alimentaires Pour se faire une idée de la multiplication de ces salons, on peut consulter, par exemple, le site http://www.intelligenceverte.org/EventsFr.asp
Après avoir acquitté la somme de 5 €, nous sommes entrées à l’intérieur du salon abrité dans le parc des expositions. Nous nous sommes retrouvées dans une immense salle ou sont installés de multiples exposants.
Dès l’entrée je remarque l’étalage d’un maraicher que je ne m’attendais pas à trouver là
Entre autres produits, il vend des tomates « de variétés anciennes » à 8 € le kilo et des haricots verts à 7 € 50. Comme je suis effarée par ces prix et que je lui demande des explications, voici celle que je reçois : « ces haricots verts sont chers d’une part parce qu’ils sont bios, d’autre part, ils ont été cueillis à la main et non pas à l’aide d’une machine. Les haricots verts cueillis à la machine ne permettent pas une bonne conservation des vitamines ; celles ci coupent les haricots au niveau de la queue, or, c’est justement dans la queue des haricots que sont concentrées les dites vitamines. Les êtres humains, au contraire, savent couper les haricots correctement. »
Je dois avouer au lecteur, qu’à ma grande honte, lorsque je prépare des haricots, avant de les faire cuire, je coupe toutes les queues…
En ce qui concerne le prix exorbitant des tomates, le vendeur m’a fait remarquer qu’il s’agissait des tomates de variétés anciennes impossibles à trouver sur les marchés puisqu’interdites à la vente.
On commence à trouver sur les marchés des légumes ayant comme étiquette « issus de l’agriculture raisonnée » et aussi « variété de légume ancienne ». Il ne s’agit pas d’un label reconnu, n’importe qui peut écrire cela et en profiter pour multiplier le prix de ses légumes par 3
Le seul label officiel est AB, lettres vertes sur fond blanc (AB signifiant bien sûr agriculture biologique)
L ‘allusion du maraicher aux légumes de variétés anciennes fait référence à un film sorti sur les écrans l’année dernière et qui a connu un grand succès auprès des écologistes de base « Solutions locales pour un désordre global» de Coline Serreau
http://www.solutionslocales-lefilm.com/accueil
Dans ce film, il est beaucoup question des semences anciennes , des semences hybrides, et de leur réglementation ; de la pollution des sols et des eaux par l’utilisation des engrais chimiques et pesticides ; de la supériorité de l’agriculture biologique pour préserver l’environnement et la santé ; de la nécessité de revenir à une agriculture vivrière de proximité plutôt que de subventionner une agriculture intensive destinée à l’exportation.
N’étant pas scientifique, je me garderai bien de porter un jugement définitif sur leurs thèses.
Toutefois, dans ce film, il est aussi question de l’agriculture biodynamique de Rudolf Steiner*, inventeur de l’anthroposophie. Je précise que ce type d’agriculture conseille de planter ses semences en suivant le mouvement des astres, autrement dit en utilisant l’astrologie. D’autre part, certaines de leurs pratiques en matière d’agriculture ressemblent beaucoup plus à de l’alchimie du Moyen Age qu’à des techniques agricoles.
Voir à ce sujet le bulletin n°45 du GEMPPI et cet article important sur l’agriculture biologique qui fait le point sur les théories de Rudolf Steiner en la matière :
http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/organic.html
Personnellement, je trouve qu’un film traitant de problèmes aussi sérieux que l’environnement perd en crédibilité lorsque sa réalisatrice choisit d’y ajouter un reportage sur l’anthroposophie.
Il est bien difficile d’emblée de savoir si l’alimentation biologique est meilleure pour la santé que l’agriculture conventionnelle. Certaines personnes font remarquer que l’augmentation du nombre de cancers serait due à l’utilisation de produits chimiques en agriculture.
D’un autre coté, les dernières statistiques de l’INSEE annoncent que notre espérance de vie a encore augmentée ; non seulement nous vivons beaucoup plus vieux qu’autrefois , (j’entends par « autrefois » l’époque de la société pré industrielle où nous mangions tous bio et mourions à 40 ans) mais nous vivons plus âgés et en meilleures conditions.
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=T10F035
Désirant en savoir plus sur l’agriculture biologique, ses principes et ses bienfaits, j’ai fait des recherches sur internet. Dans un domaine comme celui là, purement scientifique, je privilégie les sites conçus par des scientifiques. J’ai donc trouvé de nombreux articles qui font le point sur la question ; il s’agit d’articles de vulgarisation scientifique destinés au public et pas pour spécialistes avec le jargon correspondant.
Voici, par exemple, un article très complet sur l’agriculture biologique par Léon Guéguen, directeur de recherche honoraire à l’INRA, membre de l’académie d’agriculture de France entre autres, intitulé : « Que penser de l’agriculture biologique et des aliments bios ? »
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article692
Il s’agit d’un article long mais qui mérite largement la peine d’être lu car on y trouve des informations importantes.
Voici toutefois la conclusion de cet article pour les lecteurs pressés :
« L’objectif de cette mise au point, qui n’a pas la prétention d’être exhaustive, n’est pas de dissuader le consommateur d’acheter des aliments Bio, ses choix étant défendables dans un souci de protection des ressources naturelles (sol, eau) et de satisfaction personnelle reposant sur des croyances et des critères irrationnels mais respectables, mais de contribuer à son information objective pour qu’il fasse ces choix en bonne connaissance de cause. Qu’il sache notamment que les aliments qu’il achète ainsi plus cher ne sont pas meilleurs pour sa santé et que, quoi que d’aucuns puissent en penser, l’agriculture biologique restera limitée à une production de « niche » et à une consommation de « classe », car elle ne pourrait certainement pas permettre aujourd’hui, et encore moins demain, de nourrir l’humanité. »
Un certain nombre d’écologistes prétendent pourtant qu’il est tout à fait possible et même souhaitable de généraliser ce type d’agriculture malgré son faible rendement. Il suffirait qu’une majorité de la population accepte de retourner à la terre et le problème du rendement se règlerait de lui même, surtout si nous acceptions de devenir végétariens ; en effet, une bonne partie des terres agricoles est utilisée pour nourrir le bétail.
C’est oublier un peu vite que nous allons bientôt être 9 milliards et que les surfaces destinées à l’agriculture ne sont pas extensibles à l’infini…
D’ailleurs quel citadin a envie de revenir à l’agriculture, métier ingrat, harassant et mal payé ?
Certains écologistes, je pense en particulier à ce courant de pensée qu’on appelle « l’écologie profonde » ont bien compris cette difficulté liée à l’augmentation de la population mondiale Ils sont aussi conscients que les occidentaux sont maintenant habitués à un certain niveau de vie, un certain confort et qu’ils ne sont pas prêts à y renoncer ou à le limiter pour préserver l’environnement.
Le lecteur désirant s’informer sur cette question lira avec profit l’article ci dessous du docteur Jean Marrat : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article134
Voici un extrait de cet article pour les lecteurs pressés ou ne disposant pas d’internet :
« La surpopulation en est un : nos doctrinaires veulent ramener la population mondiale qui est d’environ 5 milliards d’individus à 500 millions (James Lavilak).
Comment ?
C’est une question à laquelle certains extrémistes du mouvement (mais qui ne sont pas des marginaux) osent répondre. William Aiken écrit : « Une mortalité humaine massive serait une bonne chose, il est de notre devoir de la provoquer, c’est le devoir de notre espèce vis à vis de notre milieu d’éliminer 90 % de nos effectifs ».
Dans la même veine Jean Brière, ami de Waechter, suggère de tarir à la source la surproduction d’enfants dans le tiers monde tandis que Jean Frehaut rêve d’un gouvernement mondial qui puisse oppresser les populations afin de réduire toutes les pollutions et changer les désirs comme les comportements par des manipulations psychologiques.
Sans pour autant faire d’amalgame, ces doctrines ne vous n’évoquent-elles pas d’autres doctrines qui toutes avaient ou ont pour but de supprimer une partie de l’humanité, naturellement celle qui ne pense pas comme vous ou n’appartient pas à la même race ou à la même religion que vous. Tels furent, tels sont, les inquisiteurs, Hitler, les intégristes religieux, les partisans de la purification des races, les intégristes d’extrême gauche comme Pol Pot ou le sentier lumineux. Pour les uns comme pour les autres un même but : détruire un monde pervers et sur un terrain vierge construire le monde de leurs rêves. »
Continuons notre petit périple dans ce salon.
Après le stand consacré aux légumes anciens, je tombe sur un autre où on vend du lait de jument ainsi que des produits dérivés fort onéreux par exemple des savonnettes à 23 € les 3
Le lait de jument a le vent en poupe depuis quelques années en raison du nombre de personnes allergiques au lait, sa composition serait très proche du lait maternel. Ceci dit, il existe peut-être des solutions moins onéreuses pour remplacer ce produit ? Des laits maternisés et pour les allergiques au lactose, on peut trouver en grande surface du lait sans lactose.
Je suis préoccupée par le discours de certains naturopathes sur les produits laitiers
D’après eux, ils seraient à l’origine de nombreux problèmes de santé : allergies bien sûr, mais aussi arthrose, problèmes de peau, bronchites chroniques et j’en passe…
Voir à ce sujet :
http://www.medecines-douces.com/impatient/296jan03/pas_blanc.htm
Or, il se trouve que les professionnels, que j’ai plutôt envie d’écouter disent exactement le contraire. Les médecins ne cessent d’insister sur l’importance des produits laitiers à tous les âges de la vie. Lire, à ce sujet : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1018
J’ai connu plusieurs personnes refusant obstinément de manger des produits laitiers prétendant que ceux-ci leur avaient donné de nombreux problèmes de santé. Peut-être avaient ils développé des allergies, mais j’ai aussi observé qu’ils étaient tous sous l’influence d’un naturopathe ou d’un autre thérapeute. Y aurait-il derrière cette mode un courant de doctrine hindouiste végétalienne, que se sont accaparés d’ailleurs certains groupes sectaires new age ?
LES PRODUITS DE BEAUTE BIOS
Vous trouverez toujours dans ces salons plusieurs stands de produits de beauté, tous estampillés « bios ». Ces crèmes, masques, lotions, bains moussants, produits de maquillage ne sont pas tous à un prix astronomique surtout si on les compare à des produits de grande marque, comme Chanel par exemple
Sont-ils plus efficaces ou meilleurs pour la santé et la peau que les autres ; absolument rien ne le prouve. Il ne faut pas oublier que les marchands de produits de beauté vendent surtout du rêve ; leurs produits font du bien au moral, pas forcément à la peau et encore moins au porte-monnaie…
Certains d’entre eux représentent de véritables escroqueries ; je pense par exemple à toutes ces crèmes censées être composées de plantes miracles, aux noms exotiques, venues le plus souvent de lointains pays (Afrique Amérique du sud…) Lorsque vous lisez les étiquettes (oui, oui, celles qui sont imprimées en lettres minuscules…), vous vous apercevez que le produit ne contient que 0,5% de la plante en question
Comme je ne voudrais pas que cet article ressemble à un catalogue de la Redoute du « bio », je vais me contenter de dire quelques mots des tisanes et autres gélules.
Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres d’un business où les commerçants profitent de ce que le « bio » est à la mode.
Vous trouverez donc dans ces salons de multiples plantes, sous diverses formes : tisanes, gélules, comprimés, huiles essentielles, sans parler des compléments alimentaires divers dont l’efficacité n’est absolument pas prouvée. De toutes façons, une alimentation variée et équilibrée suffit largement à assurer les besoins de l’organisme en vitamines diverses….
Pour ne pas alourdir cet article qui commence à devenir fort long, je me contenterai de traiter des HUILES ESSENTIELLES car elles peuvent représenter un danger réel pour la santé des consommateurs.
Pendant des années, de 15 à 30 ans environ, j’ai souffert de poussées d’acné handicapantes et qui me donnaient des complexes. Les traitements habituels prescrits par un dermatologue n’étaient pas très efficaces. Certes, après avoir fait pelé ma peau, ces gels décapants finissaient par sécher mais quelques mois plus tard, les boutons revenaient de plus belle et tout ça pendant des années.
J’ai fini par me lasser de ce traitement et je suis allée voir un naturopathe. Il m’a prescrit, en plus d’une séance fort désagréable d’hydrothérapie du colon (sorte de gigantesque lavement rectal), censée rendre plus efficace l’effet des médicaments, diverses plantes devant m’aider à purger mon foie et éliminer les « toxines » dont mon corps était infecté, d’après lui, d’où ces poussées d’acné et des masques à l’argile pour le visage mélangées avec plusieurs gouttes d’huiles essentielles diverses.
Je devais me faire un masque tous les jours et le garder jusqu’à séchage complet, autrement dit près d’une heure.
Au bout de 2 jours, je constatai que mes joues me piquaient alors que je portais le masque. Après m’en être débarrassé je constatai que mes joues étaient rouges et me brulaient. Je téléphonai au naturopathe qui me dit que tout cela était normal et que le produit agissait.
Constatant que ça empirait, je pris rendez-vous chez mon généraliste qui m’apprit qu’il s’agissait d’une brûlure due aux huiles essentielles et que je devais cesser immédiatement ce traitement stupide. Il me dit aussi que l’acné n’avait rien à voir avec des problèmes de foie, ni avec de quelconques toxines, mais qu’il s’agissait d’un problème hormonal.
Autant dire que ma confiance dans la naturopathie en prit un coup.
Souhaitant ne pas écrire de bêtises, j’ai choisi de poser quelques questions à un pharmacien à l’occasion de l’écriture de cet article. Voici un résumé de ce qu’il m’a apprit
Huiles essentielles et aromathérapie (HE).
Les HE sont des produits extraits des plantes par divers procédés plus ou moins agressifs. Il s’agit de composés peu solubles dans l’eau qui n’ont rien à voir avec les huiles proprement dites mais qui ont en général une affinité importante pour les huiles et les graisses. Le terme original est « essence », qui avait l’avantage de connoter un produit bien moins doux que l’huile. On les utilise depuis des lustres en thérapeutique et en parfumerie surtout. Elles furent une étape dans la recherche pour ne prendre que la partie efficace des plantes, comme les tisanes et les extraits divers et variés. Leur usage s’est un peu perdu en médecine « classique », puisqu’on a des moyens plus fins maintenant de séparer les composants, ou de les synthétiser. On les utilise encore souvent sous forme de suppositoires ou d’inhalation, surtout pour des affections respiratoires bénignes.
Actuellement une mode remet au goût du jour l’usage de ces produits, et on parle d‘aromathérapie. Ce terme vient sans doute du caractère prononcé de l’odeur des huiles essentielles. On laisse à penser qu’un effet synergique très particulier serait à l’origine de propriétés thérapeutiques importantes. Aucune étude sérieuse ne vient en fait corroborer les dires des tenants de cette théorie. Les HE contiennent des composants qui ont des propriétés potentiellement puissantes, mais leur concentration est souvent trop faible pour un effet notable et le concept de potentialisation synergique reste bien flou. Par contre les effets indésirables peuvent être importants. L’aromathérapie est donc une manière de faire de la phytothérapie, de la pharmacie très traditionnelle. Actuellement les fabricants d’huiles essentielles ont les moyens d’analyser les composants de façon extrême, ceci leur permet de justifier leurs allégations, mais ce n’est pas parce qu’on donne une explication à un phénomène potentiel que celui-ci existe. Le caractère naturel, l’apparente douceur des HE plaide pour leur utilisation en tant que médecine dite douce. En fait les HE sont des produits qui peuvent être extrêmement agressifs, et sont soumis à des restrictions d’utilisation. Ceci fait que l’usage des HE doit être très prudent, surtout chez les enfants. Ces produits ne doivent donc pas être utilisés à la légère Si on se contente de placer quelques gouttes d’HS dans un diffuseur de parfum pour chasser les odeurs de poissons, on ne risque rien. Toutefois, si vous rencontrez un naturopathe qui vous raconte que ces produits, grâce à leurs arômes vont rééquilibrer vos chakras, harmoniser vos corps subtils, méfiez vous, vous entrez en religion ou en croyance. Si on vous dit que quelques gouttes d’HE de lavande placées sur votre oreiller vont améliorer votre sommeil, c’est possible mais on peut supposer un effet placebo plus qu’autre chose. Le problème vient du fait que l’aromathérapie en temps que spécialité médicale n’existe pas ; les médecins ne sont pas formés pour soigner à l’aide des HE. Ce sont les naturopathes et les guérisseurs divers, donc des gens sans aucune formation sérieuse qui les utilisent, ce qui représente un certain danger pour votre santé.
Pourquoi les gens consultant les naturopathes sont-ils si nombreux ? J’y ai réfléchi et je vous livre ces quelques pistes de réflexion.
Je me suis posée la question suivante : pourquoi ai-je moi même consulté ce type de personne comme je vous l’ai raconté plus haut ? Parce que j’ai été déçue par la médecine conventionnelle. Je pense que la clé du problème, ou au moins une des clés se situe ici : les failles et les insuffisances de la médecine conventionnelle permettent à des charlatans ou des bricoleurs de s’y engouffrer et de récupérer une partie de ce marché juteux, celui de la santé.
Car il est certain que notre médecine n’est pas parfaite, elle n’est surtout pas infaillible. Elle ne guérit pas toutes les maladies, et les médicaments allopathiques présentent souvent des effets secondaires, tout simplement parce que ce sont des produits actifs.
Observons mon comportement, Lorsque je me suis aperçue que le traitement que m’avait donné mon dermatologue n’était pas assez efficace, j’ai choisi de changer de type de médecine ; c’était une décision radicale ; j’aurais dû, comme on le dit souvent « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain » et me contenter de poser des questions à ce dermatologue sur l’inefficacité de son traitement et le cas échéant aller en consulter un autre.
Cela n’aurait peut-être pas résolu mes problèmes d’acné, mais m’aurait évité d’aller consulter un charlatan.
Le comportement que j’ai adopté là est typique et j’ai pu l’observer chez d’autres partisans des médecines douces ; ils y viennent souvent par déception vis à vis de la médecine conventionnelle. Les malades devraient pouvoir poser toutes les questions qu’ils souhaitent à leur médecin et ne pas hésiter à en changer au besoin, adopter une attitude active vis à vis de leur maladie et développer leur sens critique.
Malheureusement, il faut bien reconnaître que par le passé, et encore parfois de nos jours, la médecine conventionnelle a encouragé les malades à adopter un comportement passif et soumis vis à vis de l’autorité des médecins, le mot « patient » pour nommer un malade est particulièrement significatif. Trop souvent, j’ai pu observer de la part de certains médecins, une attitude hautaine et désagréable et un refus de répondre à des questions légitimes. C’est en particulier le cas dans la médecine hospitalière où certains chefs de service peuvent être passablement odieux. ; tant vis à vis de leurs « patients » que vis à vis de leurs collaborateurs.
Les naturopathes et autres thérapeutes holistiques eux, se montrent toujours particulièrement aimables, font preuve d’empathie et de compassion, ils savent fort bien caresser leurs malades dans le sens du poil. Mais, du fait qu’ils n’ont aucune formation sérieuse (comparez à ce sujet la formation d’un naturopathe avec celle d’un infirmier par ex), ils mettent parfois en danger la vie de leurs patients comme nous allons le voir dans l’exemple suivant :
Appelons le Marc ; il a 33 ans et souffre du dos. Un de ses amis en qui il a toute confiance est naturopathe Il va donc le consulter et celui-ci lui prescrit un massage avec des huiles essentielles ; il lui conseille d’aller voir un ostéopathe. Les douleurs de Marc ne passent pas. Il retourne vois son naturopathe qui lui dit que le stress en est la cause et lui propose de consulter un sophrologue afin d’apprendre à se relaxer et à détendre les muscles de son dos.
Le temps passe, malgré plusieurs visites chez des rebouteux divers (chiropracteurs, kinésiologues…), les douleurs empirent. Finalement, il se retrouve aux urgences où des examens cliniques permettent de détecter l’origine de ces douleurs : les métastases d’un cancer du poumon et il est trop tard pour intervenir.
Cet homme meurt quelques mois plus tard ; jamais son « ami » naturopathe n’est allé le voir à l’hôpital. Une copine de cette époque, qui consultait ce naturopathe m’avait alors dit que Marc était en partie responsable de son malheur et qu’il aurait dû aller consulter un médecin plus tôt, ce qui m’avait mise fort en colère.
Les naturopathes ne possèdent pas les compétences nécessaires pour poser un diagnostic, faire la différence entre un trouble bénin et une maladie grave ; de ce fait, vous mettez votre vie en danger chaque fois que vous les consultez au lieu d’aller voir votre généraliste.
Notons que nombre de naturopathes et de thérapeutes se positionnent avec justesse en complément de la médecine classique en non en substitution, ce qui leur enlève ce potentiel de nuisance. (Il en est un qui est signataire de la charte du GEMPPI)
2ème exemple. Appelons la Adriana ; elle a une cinquantaine d’années et a pris du poids suite à sa ménopause. Elle choisit d’aller consulter un naturopathe En plus d’un traitement à base de plantes fort couteux et non remboursé, celui ci lui prescrit un régime alimentaire. Les naturopathes ont toutes sortes de théories sur l‘alimentation, ses bienfaits et ses dangers. Ils ne sont d’ailleurs pas d’accord entre eux car les écoles divergent fortement.
Leur seul point commun : ces théories sont toutes plus fantaisistes les unes que les autres, non validées par la médecine et prônent des régimes alimentaires déséquilibrés et menant à des carences.
Le régime proposé à Adriana est basé sur la théorie des combinaisons alimentaires, appelé aussi « régime dissocié .» Les protéines se combinent avec les légumes, et jamais avec les féculents qui eux mêmes se combinent avec les légumes, et jamais avec les protéines. Les matières grasses font retarder la digestion. Les fruits ne se combinent qu’avec d’autres fruits. Après un repas de protéines, patienter 4 heures avant de consommer féculents ou fruits. Après un repas de féculents, patienter 4 heures avant de consommer protéines ou fruits. Après un repas de fruits, patienter 2 heures avant de consommer protéines, féculents ou légumes etc. Les produits laitiers sont à éviter si possible.
Est-il possible de tenir longtemps un régime aussi contraignant et restrictif ?
Parmi ses dangers, on peut citer le risque de se couper de toute vie sociale ou au moins de s’éloigner de sa famille ou son entourage habituel. Dans en pays comme la France où les repas en commun (communion) représentent un rite essentiel, ne pas manger la même chose que les autres vous en sépare.
Parmi ses autres théories, le naturopathe préconisa des jeûnes prolongés non seulement pour maigrir mais pour débarrasser l’organisme de ces fameuses « toxines », théorie très prisée par les naturopathes.
L’inventeur de ces théories alimentaires serait un certain docteur Shelton dont les livres sont toujours publiés sous les titres suivants : « le jeûne » et « les combinaisons alimentaires ». De nombreux articles sur ce médecin et ses conceptions en matière d’alimentation se trouvent sur internet.
La copine ayant suivi ce régime alimentaire et ces périodes de jeûne a-t-elle réussi à perdre du poids durablement ?
Et bien, en 10 ans, elle est passée de la taille 42 à la taille 50.
Il s’agit là d’un des nombreux régimes farfelus que conseillent de nombreux naturopathes. On pourrait en citer aussi, outre le végétarisme, le végétalisme (qui exclut les produits laitiers et les œufs) l’alimentation crue (sous prétexte que nos lointains ancêtres chasseurs cueilleurs mangeaient cru et que par conséquent le corps humain ne sait pas digérer les aliments cuits) ; il y a aussi les adeptes des céréales anciennes qui brocardent le blé. Il s’agit pour eux d’une céréale dégénérée ayant souffert de multiples mutations du fait de l’influence humaine. Seule serait légitime l’ancêtre du blé le petit épeautre.
Voici un exemple de ce qu’on peut trouver sur le net sur les dangers des céréales cultivées : http://daudon.free.fr/page123.html
Le titre de l’article s’intitule : « les dérives alimentaires modernes » ; il s’agit d’une critique élogieuse d’un livre du docteur Seignalet : « l’alimentation ou la 3ème médecine ».
Ce titre ne manque vraiment pas de sel ; car il s’agit bien de dérives alimentaires ! Que penser de gens qui souhaitent nous faire revenir à l’alimentation des hommes des cavernes, l’époque bénie où nos ancêtres étaient chasseurs cueilleurs…
Si vous reprenez les diverses informations que j’ai données dans cet article (les légumes de variété ancienne, les régimes alimentaires, mais aussi le pain d’Alep (ancêtre du savon de Marseille…) vous remarquerez qu’elles sont toutes marquées par la même idéologie , il s’agit du mythe du « bon sauvage » cher à Jean Jacques Rousseau selon lequel il serait nécessaire de revenir à un état de « nature », une époque ancestrale bénie par les Dieux où l’être humain vivait en paix et se contentait de satisfaire ses besoins vitaux par ce que lui apporte la nature.
Depuis l’époque de Rousseau, il a pourtant été prouvé que le propre de l’être humain est justement de sortir de l’état de nature qui est par contre le propre du chimpanzé…
La croyance en un âge d’or, sorte de paradis terrestre se trouvant dans un passé lointain n’est pas propre à Rousseau ; on trouve déjà ce mythe chez Platon ; les civilisations antérieures à l’ère industrielle ne croyaient pas au progrès mais bien au contraire à la nécessité d’un retour aux valeurs anciennes, à un mode de vie censé être plus proche du paradis perdu…Cher à tous les sous produits de la théosophie de Blavatsky
Il s’agit là au sens propre d’un courant de pensée que l’on peut qualifier de réactionnaire.
Il est aussi possible d’analyser les documents que j’ai donné à partir du vocabulaire employé. Derrière des pratiques à vocation thérapeutique où hygiénistes, on trouve toujours une influence religieuse. De multiples exemples peuvent être trouvés :
1) le végétarisme est un régime alimentaire pratiqué dans les monastères, en période de carême et dans les religions orientales, idem pour le jeûne. Les interdits alimentaires dont regorgent ces régimes font partie des piliers de nombreuses religions. Quelle est leur raison d’être ? Elle est avant tout sociologique, il s’agit d’une façon de souder un groupe donné, groupe qui partage les mêmes croyances ; il s’agit surtout d’empêcher l’adepte d’aller manger avec des étrangers, donc des personnes ne partageant pas les croyances du groupe. Partager un repas avec l’étranger, c’est voir comment il vit, pouvoir faire des comparaisons et commencer à se poser des questions sur ses propres croyances et ses pratiques L’autorité des chefs religieux ou non peut alors être remise en cause.
2) la recherche de la pureté le refus de souiller son corps en avalant une nourriture polluée, donc impure rappelle l’idée de péché.
3) L’idée selon laquelle l’être humain serait responsable de ses maladies, punition d’une sorte de péché (refus de la restriction alimentaire, gourmandise, intempérance) d’où sa conséquence logique : la santé est un bien qui se mérite, résultat d’un effort, d’une ascèse, d’un sacrifice, voire d’un travail sur soi
4) L’idée de décroissance, chère à certains courants écologistes est proche des mouvements de simplicité volontaires que l’on retrouve chez Gandhi et Lanza Del Vasto.
Notons également la collusion constante entre les prétendues « médecines douces » (qui rejettent le plus souvent la médecine moderne) certains courants écologistes extrémistes (qui rejettent la société moderne), certaines croyances orientalistes très à la mode dans les milieux New Age.
Il convient d’être vigilant et de surveiller de près ce qui se passe dans ces milieux ; leurs valeurs, leur projet de société, sont peu compatibles avec la laïcité et le progrès social pour tous y compris pour les habitants des pays du tiers monde qui ont bien le droit eux aussi de bénéficier d’un logement chauffé l’hiver et de l’électricité…
Les quelques informations que j’ai données dans cet article ne représentent qu’un échantillon de toutes les blagues qu’on essaie de nous faire avaler, voire escroqueries parfois, que l’on peut trouver dans ces salons bios. Malheureusement, je n’y ai pas trouvé grand chose de sérieux, de fiable et de valable. De plus, tous ces produits sont extrêmement chers ; à qui sont-ils donc destinés ? Pas aux classes populaires qui ont du mal à joindre les deux bouts, ni même aux classes moyennes mais à un nouveau groupe apparu au cours des années 70-80 et qu’on appelle les « bobos », autrement dit les « Bourgeois Bohèmes ».
Il s’agit de bourgeois, donc de personnes ayant un revenu plus que confortable, mais qui ne s’acceptent pas en temps que tel, qui refusent les valeurs associées à la bourgeoisie (donc aux valeurs de leurs parents avec lesquelles ils sont souvent en conflit ou en désaccord): conservatisme, attachement aux valeurs traditionnelles, au Christianisme, à l’économie de marché qui a permis leur fortune, etc.
Ils s’identifient souvent aux valeurs d’une certaine gauche, surnommée gauche caviar par ses détracteurs. Officiellement, ils adorent les pauvres ; ils cherchent à s’en rapprocher géographiquement, investissent en masse les anciens quartiers populaires de Paris, ce qui fait exploser les prix de l’immobilier dans ces quartiers et en chassent les pauvres ; ils achètent des produits bios, s’habillent de coton bio mais n’en veulent nullement aux pauvres qui s’habillent de vêtements synthétiques fabriqués en Chine en disant d’un air navré : « ce n’est pas de leur faute n’est-ce pas ? », sous entendant que leur éducation laisse à désirer.
Rejetant le Christianisme (pas assez dans le coup) ils adoptent différentes religions orientales, ce qui les conduit à se faire escroquer par des mouvements sectaires d’obédiences diverses ou par des vendeurs de poudre de perlimpinpin (ce sont parfois les mêmes…)
BIBLIOGRAPHIE (pour aller plus loin)
– Gérald Bronner : comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques
– Michel de Pracontal : l ‘imposture scientifique en 10 leçons
– Patrick Lemoine : le mystère du placebo
– R Marhic et E Besnier : le New Age son histoire, ses pratiques, ses arnaques
– Pierre Feillet : peut-on encore manger sans peur ?
– Gérard Kafadarof : agriculture durable et nouvelle révolution verte
– Cyrill Di Meo : la face cachée de la décroissance
– Gérald Bronnet : vie et mort des croyances collectives
– Jean Brissonnet : les pseudos médecines
– Luc Ferry : le nouvel ordre écologique