Mais derrière le vernis pittoresque se cache une puissante entreprise de sujétion, qui pousse ses adeptes au repli, à la coupure avec famille et proches, au don de plusieurs milliers d’euros par an et souvent au refus de la médecine moderne
Par Bérénice Rocfort-Giovanni. Le 09-11-2015.
Le biologiste Fernand Vedel a vu basculer Etienne Guillé, ex-enseignant-chercheur au CNRS, devenu le chef d’une redoutable secte. La Grande mutation…promet, comme toutes les autres, la vie éternelle à ses adeptes. Mais sa particularité est d’avoir à sa tête un gourou au CV en béton. Etienne Guillé, 78 ans, est un ancien enseignant-chercheur au CNRS, agrégé de physiologie-biochimie.
Guillé explique à ses ouailles, souvent diplômées elles aussi, qu’il a fait le tour de 22 planètes, que des maladies comme le cancer sont dues à un déséquilibre des énergies vibratoires, qu’il faut pratiquer assidûment le pendule et se laisser pousser la barbe pour se connecter à ces ondes.
En mars, l’ex-scientifique est mis en examen pour « abus de faiblesse et corruption de mineurs » avec cinq de ses lieutenants. Ce qui n’empêche pas les membres de la Grande mutation de continuer à se réunir…Fernand Vedel, directeur de recherches au CNRS en retraite, a bien connu Etienne Guillé au début de sa carrière, lorsque tous deux travaillaient à la faculté d’Orsay. Il raconte à « l’Obs » :
Je suis tombé des nues en apprenant qu’Etienne Guillé dirigeait une secte. C’était un passionné de sciences, très brillant. Il a même été reçu premier à l’agrégation. Il était charismatique, savait très bien capter l’attention de ses étudiants. En 1967, on travaillait ensemble sur l’ADN des plantes. Etienne Guillé s’intéressait beaucoup aux métaux, qu’il incorporait dans des manipulations chimiques. Il disait qu’il espérait ainsi soigner des maladies. »
Selon Fernand Vedel, le tournant s’est produit vers la fin des années 1970 :
Guillé s’est mis à utiliser un pendule. Il prétendait pouvoir déterminer la séquence de l’ADN grâce à cela. Tout le monde au laboratoire voyait bien qu’il déraillait. Francis Quétier, l’un des grands spécialistes de l’ADN, était ami avec lui. Un jour, il a pris deux tubes à essai. Il a mis de l’ADN dans l’un et pas dans l’autre et a défié Guillé de le retrouver avec son pendule. Bien sûr, Guillé s’est trompé. Alarmée par ses dérives, la fac d’Orsay a refusé qu’il poursuive ses recherches. »
Etienne Guillé est finalement mis à la retraite d’office en 1994. Il s’adonne alors pleinement à sa carrière de gourou. De son bagage scientifique, il tire un galimatias ésotérique :
Etienne Guillé racontait qu’il avait découvert dans l’ADN les traces des sept métaux alchimiques et qu’il pouvait ainsi vibrer avec le cosmos », se souvient un ancien fidèle.
Le gourou d’une secte mis en examen sévit encore à Paris
AFP, La Croix 7/8/15
Plus de quatre mois après la mise en examen de son gourou et de cinq de ses cadres, La grande mutation, une secte faisant miroiter à ses adeptes la vie éternelle, continue de sévir à Paris avec, sous son emprise, plusieurs dizaines de fidèles. Vu de loin, le Groupement de recherche des énergies vibratoires éternelles et Supports vibratoires incorruptibles (Greve et SVI), l’autre nom de La grande mutation, pourrait faire sourire, avec sa communauté aux cheveux longs, son histoire fumeuse du double céleste et ses manipulations de pendule.
Mais derrière le vernis pittoresque se cache une puissante entreprise de sujétion, qui pousse ses adeptes au repli, à la coupure avec famille et proches, au don de plusieurs milliers d’euros par an et souvent au refus de la médecine moderne.
Etienne Guillé, 78 ans, ancien biologiste et chercheur au CNRS qui se présente comme le sauveur, a bâti une théorie extrêmement complexe, appuyée pour partie sur une solide base scientifique qui donne du crédit à l’ensemble. Il propose aux adeptes de renouer avec leur double céleste, condition de l’accession à la vie éternelle, en favorisant les vibrations de leur corps, notamment à l’aide d’un pendule.
« La première fois que j’y suis allé, je n’ai rien compris mais j’ai trouvé ça fascinant. Ça parlait d’éternité avec des références scientifiques »
se remémore un ancien adepte. Le contact direct entre les cadres de la secte et les adeptes revêt plusieurs formats: séminaires rassemblant jusqu’à 200 personnes, séances en comité restreint ou individuelles. En très mauvaise santé, Guillé est rarement présent. On se rend aux réunions avec un chèque ou des espèces, confiées directement dans une enveloppe aux cadres de la secte. La grande mutation ou le Greve n’ont pas d’existence légale, pas de statuts, et seule une partie des sommes collectées transite par le système bancaire.
A raison de quelques centaines d’euros par mois et par adepte, La grande mutation brasserait, selon une estimation basse, plus de 100.000 euros par an.
En perquisition, les enquêteurs ont saisi plus de 20.000 euros en liquide aux domiciles de cadres de la secte, selon une source proche de l’enquête.
Pour Me Rodolphe Bosselut, conseil de parties civiles, Guillé ne cherche pas tant à s’enrichir qu’à contrôler ses fidèles. « Prendre l’argent des adeptes, il semble que ce ne soit pas la seule finalité. De là à dire que ce n’est pas un moteur… », tempère une proche d’une des membres. Parmi les adeptes, beaucoup de femmes diplômées, souvent la cinquantaine ou la soixantaine, en quête de sens, rabattues par quelques professionnels de santé en région parisienne mais aussi en province. L’implication dans La grande mutation induit un éloignement de la famille, régulièrement un divorce.
« L’une des forces de Guillé est d’avoir su théoriser le rejet des proches », explique Me Bosselut.
Ainsi, si les disciples font partie d’une race d’élus promis à la vie éternelle, les membres de leur cercle familial et amical sont présentés comme de simples animaux, voire des « prédateurs », à fuir. « Vous avez des dizaines et des dizaines de familles qui ont été disloquées », assure un ancien adepte. Après des signalements en 2012, une information judiciaire a été ouverte en octobre 2013. Fin mars, Guillé et cinq de ses lieutenants, dont son gendre et son petit-fils, ont été mis en examen pour abus de faiblesse et corruption de mineurs. Les rabatteurs, eux, n’ont, pour l’instant, pas été inquiétés. La période visée remonte à 2006, mais plusieurs éléments laissent penser que Guillé sévit depuis le début des années 90, voire les années 80. Bien qu’ils le réfutent, il apparaît que les cadres prônent le rejet de la médecine.
La propre fille d’Etienne Guillé, atteinte d’un cancer dont elle devait décéder, avait refusé les traitements conventionnels pour « préserver son être céleste », selon une source proche de l’enquête. Hémorragies, douleur à la jambe, problèmes dentaires, glaucome, voire cancer, sont susceptibles d’être traités par des ondes ou de l’eau « énergétisée ».
Sur le plan de la santé mentale, La grande mutation fait tout autant de dégâts. Plusieurs cas d’hospitalisation psychiatrique et un suicide ont été recensés chez des adeptes, sans que les causes ne soient établies avec certitude. « On est à l’opposé de manipuler des individus », a soutenu le gendre de Guillé lors de son audition. « On leur offre plutôt un lieu et des moments où ils peuvent s’ouvrir sans doute à leur véritable identité, sans diriger quoi que ce soit, ni dans leurs pensées ni dans leurs actes ». De sources concordantes, les mises en examen, pourtant assorties de contrôles judiciaires qui interdisent tout contact avec les adeptes ou les autres mis en examen, n’ont pas interrompu les activités de La grande mutation.
Les familles de proches les plus actives contre la secte lancent un appel aux autres et les invitent à consulter le site www.grandemutationsansgourou.wordpress.com.
Sollicités par l’AFP, les avocats des principaux mis en examen (à l’exception de Guillé, qui a refusé de se faire assister) n’étaient pas joignables, pas plus que le gendre de Guillé, contacté à son domicile, où séjourne également le gourou.
Un ancien chercheur au CNRS devenu gourou arrêté
200 personnes avaient rejoint le mouvement, « La grande mutation », de cet ancien chercheur âgé de 77 ans.
REPLAY / INFO RTL-PAR GEORGES BRENIER , CLAIRE GAVEAU, 09/04/2015.
Jamais le gourou d’une secte n’avait eu un CV aussi impressionnant. Docteur ès sciences, agrégé de physiologie et de biochimie, ancien chercheur au CNRS et professeur dans une université parisienne… Cet homme de 77 ans proposait des gages sérieux pour les fidèles. Dans les faits, environ 200 hommes et femmes avaient rejoint son mouvement, « La grande mutation ».
Placés en garde-à-vue dans les locaux de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (ORCVP), le septuagénaire et cinq de ses proches ont été mis en examen par un juge d’instruction parisien le 26 mars dernier pour « abus de faiblesse ». Le gourou, en toute modestie, se présentait comme « le sauveur de l’humanité ». Il jurait notamment avoir parcouru 22 planètes différentes avant de revenir sur Terre. La raison ? Pour que ses disciples accèdent à l’amour céleste. Avec son vulgaire pendule, l’ancien chercheur racontait pouvoir guérir le Sida ou n’importe quelle sorte de cancer.
D’après les policiers de l’Office central pour la répression des violences aux personnes, le scientifique exerçait une redoutable emprise psychologique sur ses troupes. Beaucoup d’entre eux avaient stoppé leurs traitements médicamenteux et s’étaient coupés de leurs familles et de leurs proches, uniquement pour, à leur tour, devenir éternels.