Extraits de « Découvertes sur les sectes et religions » n° 72 – 1er Janvier 2007, le trimestriel du GEMPPI.
Extraits du colloque « Science, pseudo-sciences et thérapeutiques déviantes : approches pratique et éthique », qui s’est déroulé le Samedi 21 octobre 2006 à l’Espace Ethique Méditerranéen, Hôpital adultes de La Timone. Marseille
Par Richard Monvoisin.
R. Monvoisin fait de la recherche en didactique de la pensée critique. Il relève du laboratoire Hypoxie-Physiopathologie (HP2), Grenoble 1, et du Laboratoire de Zététique, Nice 1. Il est chargé de cours de pensée critique et de zététique à l’Université Joseph Fourier, et est membre de l’Observatoire Zététique.
Discuter des Médecines dites Alternatives (MdA) est un exercice assez périlleux. Le sujet est tellement épineux qu’il en devient l’une des meilleures pommes de discorde des discussions tant professionnelles que privées. Si leur intérêt thérapeutique est souvent discutable, elles représentent un tel engagement personnel pour leurs utilisateurs qu’il est très difficile de s’extraire du clivage classique entre ce qu’il est devenu coutume d’appeler les « pro » des « anti ». Lors du colloque « Sciences, pseudo-sciences et thérapeutiques déviantes » organisé le 21 octobre 2006 par le GEMPPI, j’ai tenté de montrer qu’afin de traiter le plus posément possible de ces thérapies, il était nécessaire de prendre à l’avance quelques précautions et de baliser un tantinet certains pièges de la réflexion.
Pour illustrer mon propos j’avais choisi de disséquer les Élixirs Floraux de Bach (EFB) : d’une, parce que leur succès est florissant et leur achalandage avantageux ; de deux parce qu’ils réunissent toutes les caractéristiques d’une pseudomédecine, et de trois parce que, comme beaucoup de ces MdA, la population qui y a recours est sociologiquement marquée. La critique détaillée de la thérapie florale d’Edward Bach étant déjà disponible ailleurs (1), je vais en profiter pour proposer un petit outillage critique à l’intention des gens qui souhaitent discuter de ces questions sur un mode non agressif avec leurs proches, leur famille ou leurs patients. Je donnerai quelques conseils qui m’ont permis, tout en restant ferme sur la rigueur, d’éviter le maximum de conflits avec mes interlocuteurs. Si je choisis sciemment de mettre le moins de références techniques possible et d’épurer au maximum le jargon, c’est parce que je pense qu’il n’est pas besoin d’un bagage scientifique pour suivre l’essentiel de ce que j’ai à partager. Je souhaite également éviter l’injonction, ou le précepte, que je trouve déresponsabilisant : il suffit généralement de lui donner une information complète pour que l’encéphale humain moyen se mette en marche. Dès lors, quel que soit le choix que le porteur de cet encéphale fera ensuite, il sera fait en connaissance en cause, ce qui est le préliminaire à toute liberté. Je redoute bien plus le bon choix aveugle que le mauvais choix éclairé.
Les termes
Le meilleur moyen que j’ai trouvé pour introduire une discussion sur ces fameuses médecines « dites » alternatives est de justement placer le « dites » avant alternatives. À la question immanquable qui vient ensuite du pourquoi de cette précaution, je mets en avant le fait qu’aucune dénomination ne semble correspondre au problème. Médecines douces ne convient pas, puisqu’il arrive que certaines personnes souffrent, ou meurent, sinon directement des MdA, du moins par substitution de traitement. Parallèles et alternatives non plus, car elles ne sont pas toujours des alternatives valables.
C’est alors l’occasion de poser la question « alternatives ou parallèles à quoi ? ». On nous répondra généralement « aux traitements scientifiques classiques ». Cela suppose donc que les MdA ont, tout comme les traitements scientifiques classiques, une prétention thérapeutique. Quel que soit notre interlocuteur, c’est un moment crucial, car la conversation se place sur le terrain de la connaissance scientifique qui fait qu’une thérapie peut être meilleure, alternative, ou moins bonne qu’une autre. Pour affirmer cela, il faut des preuves expérimentales, et c’est justement l’une des seules choses que la science sait faire. Le socle de discussion est désormais commun.
Les médecines
Il n’est pas rare, à ce stade, que les participants à la discussion dénoncent la médecine « officielle », « allopathique », inhumaine, froide, réductionniste, etc. Même si nous reviendrons sur ce point en conclusion, c’est néanmoins l’occasion de tomber encore une fois d’accord avec les personnes participants à la discussion : une majorité de gens s’accorde assez rapidement sur le fait que le terme médecine désigne trois grands champs distincts : le champ thérapeutique scientifique, avec ses techniques, ses médicaments, ses statistiques, son efficacité, sa froideur, ses suppositoires ; le champ thérapeutique de prise en charge du patient ensuite, avec le rapport médecin-patient, la confiance, l’écoute, le placebo, la relative chaleur des actes médicaux, les valeurs communes, etc. ; les connaissances dans ce champ fluctuent tellement d’un patient à l’autre qu’elles en deviennent quasi-personnalisées, et ne peuvent donc pas prétendre à être transposables d’un individu à un autre. Enfin, le champ techno-politique, sur lequel nous reviendrons. Si nous parvenons à nous entendre avec autrui sur ce découpage, nous aurons évité les trois-quarts des principaux pièges de la discussion sur le sujet. Une fois que ces bases simples sont posées, la réflexion devient possible et peut se dérouler presque sans anicroche.
La prétention thérapeutique
La prétention thérapeutique est ce que le produit proposé prétend pouvoir faire. Très grossièrement, le produit nous dit dans sa notice : « Je peux, trois fois sur quatre, avec telle dose et telle posologie, vous permettre de résoudre ceci ou cela, en tel laps de temps ». Nous nous retrouvons alors avec une « prétention d’efficacité », de type scientifique donc, relevant du premier sens du terme médecine. Le produit revendique une efficacité, généralement supérieure aux autres produits – sinon, au fond, pourquoi choisir celui-là ? – qu’il revient au fabricant de prouver, en vertu du fait que logiquement la preuve incombe à celui qui prétend (2). Au bout d’un certain nombre de tests concluants sur un grand nombre de gens souffrant de la même pathologie, le produit reçoit une Autorisation de Mise sur le Marché (ou AMM). Cela ne veut pas dire que la prise du médicament X « marchera » sur tout le monde : un individu peut fait partie des 25% prévus par la médecine scientifique pour qui ça ne fonctionne pas. Cela veut surtout dire ceci : s’il arrive que des médicaments pourvus d’une AMM se révèlent ne pas être aussi efficaces que prévu (parfois pour de sombres affaires mercantiles : nous entrons alors dans le troisième champ d’utilisation du terme médecine, le sens champ techno-politique), il est extrêmement improbable qu’une substance vendue sans AMM se révèle efficace. En clair, un produit sans AMM est un produit sans efficacité.
L’effet Atchoum
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les élixirs floraux de Bach n’ont pas à faire preuve de leur efficacité pour être vendus. Se les faire prescrire, ou retrouver les élixirs sur les présentoirs des pharmaciens peut amener le patient à croire qu’il s’agit d’un médicament, c’est-à-dire d’un produit éprouvé, alors que ce n’est pas le cas. Le médecin prescrivant ou le pharmacien distribuant cautionnent hélas la valeur thérapeutique scientifiquement non évaluée du produit. Cela veut-il dire que les gens ayant guéri par la thérapie de Bach se leurrent ? Pas vraiment. Lorsqu’un individu souffrant d’une pathologie prend ses gouttes d’élixirs et se voit guéri, se pose la double question :
– a-t-il guéri directement grâce à l’élixir, ou y a-t-il d’autres paramètres pouvant expliquer cette guérison – notamment un traitement en parallèle pouvant être responsable de la guérison ?
– la pathologie du patient était-elle une pathologie avérée, et si oui, la guérison est-elle également avérée ?
Ces questions ont l’air stupide, et pourtant. L’humain a une forte tendance à voir des liens causaux directs entre les choses qu’il aime voir liées. Les linguistes parlent à ce propos de Post Hoc ergo propter hoc – « juste après, donc conséquence de ». En zététique, nous préférons parler du plus mémorable effet atchoum : imaginons la tête de l’individu qui habitant Toulouse le 21 septembre 2001, éternue à 10h17, relève son nez humide et voit l’usine AZF et ses alentours soufflés par l’explosion. Conclure à un lien de cause à effet entre l’éternuement et l’explosion est un post hoc ergo propter hoc. Si ridicule que cela paraisse, nous faisons un certain nombre d’effets Atchoum dans nos actes thérapeutiques. Le leurre consiste en ce que huit à neuf pathologies sur dix affectant l’humain disparaissent spontanément, quoi que nous fassions, au bout d’un certain temps. Faire une danse de la pluie, recevoir des passes magnétiques ou se faire faire un lavement, et guérir tout de suite après est extrêmement convaincant à première vue. Comprenons ainsi qu’un rhume, par exemple, non traité dure sept jours, et qu’un rhume traité par les élixirs de Bach dure… une semaine. Dans le premier cas, on attribuera la guérison à sa propre capacité curative. Dans le second, à Edward Bach. À tort. Si vous ne guérissez pas, par contre, c’est que vous avez dû prendre le mauvais élixir.
L’immanquable recours aux pseudothérapies dans les grandes dérives sectaires actuelles, sujet qui anime le GEMPPI, n’est pas un hasard : il est le meilleur moyen pour conquérir des sympathisants, puisqu’il y aura toujours des gens pour associer leur guérison relative et ladite thérapie. Une fois guéris, ils se feront prosélytes. C’est une publicité sans trop de frais, puisque les gens pour qui « ça a marché » racontent beaucoup plus volontiers, et avec un enthousiasme accru, que ceux pour qui « ça a échoué ». Les cris du miraculé portent plus loin que le soupir du déçu.
Les pathologies soignées
Revenons à la seconde question : « la guérison est-elle avérée ? ». Dans de nombreuses pseudothérapies, la prétention est de type psychologique. Les EFB par exemple prétendent traiter sept « états psychologiques négatifs » : peur, incertitude, manque d’intérêt pour le présent, solitude, hypersensibilité aux influences et aux idées, découragement et désespoir, souci excessif du bien être d’autrui. Chacun de ces états est décrit comme lié à un état positif associé. À titre d’exemple, l’Égoïsme (négatif) et l’Altruisme (positif) sont, du point de vue de Bach, un seul état d’être, à travers deux modalités d’expression différentes. Le problème qui se pose est majeur : comment savoir qu’une personne est moins égoïste en prenant l’élixir Chicorée ? La notion d’égoïsme est bien trop complexe et subjective pour être testée ou simplement mesurée. Elle est trop personnelle. Nous sortons alors du champ de la médecine scientifique pour entrer dans le champ de la prise en charge du patient, personnalisée. Par conséquent, même la personne ayant guéri de son égoïsme avec l’élixir Chicorée n’aura aucun argument pour recommander ce traitement à autrui, puisqu’il était très personnel et adapté à sa personne. En clair, si les pathologies désignées sont floues, subjectives, et proches de l’état d’âme, il n’y a aucun moyen d’évaluer une quelconque efficacité.
Les preuves
Les biographes de Bach nous rapportent que dans les années 30, il aurait administré ses décoctions d’Impatiente à des patients souffrant d’impatience, avec les choses ou les personnes qu’ils jugent trop lentes ; de même, il aurait prescrit le Mimulus aux patients atteints de peurs maladives dans la vie quotidienne, peurs qui les empêchent de passer à l’action. Les résultats furent, selon eux, immédiats et surprenants. Seulement, si ces capacités thérapeutiques des décoctions de Bach existent, elles doivent pouvoir agir. Et si elles peuvent agir, elles peuvent être démontrées, à la condition expresse d’isoler les paramètres en jeu : il se pourrait que ce soit la gentillesse du bon docteur, la confiance a priori dans le produit, la forme de la bouteille ou simplement le Brandy qu’elle renferme qui fasse qu’une personne se sente mieux, et non l’Impatiente. Pour prouver la chose, il faut faire un protocole, sur un certain nombre de personnes, en isolant le seul paramètre que l’on teste – en l’occurrence, la décoction de la fleur d’Impatiente. Or non seulement Bach n’a jamais fait ces tests, mais les tenants de la thérapie florale non plus. Les rares publications disponibles souffrent d’un nombre de biais consternant, et les seules études bien montées ne prêtent à l’élixir Impatiente ou à l’élixir Mimulus aucun effet allant au-delà d’un effet placebo.
Les témoignages
En lieu de preuves, inexistantes, se substitue généralement une liste de témoignages qui appuient bien les vertus de la pseudothérapie. De Monsieur B à Madame L., la litanie des gens ayant « guéri » – c’est-à-dire ayant associé leur guérison d’une pathologie souvent floue avec la prise d’un élixir – vient servir de cache-misère au manque drastique de preuves. S’il n’est pas question de remettre directement en cause la bonne foi d’un individu rapportant son vécu, il est fortement recommandé de se rappeler par exemple qu’un, dix, mille témoignages ne font pas une preuve scientifique – pour mémoire, le 13 octobre 1917 soixante dix mille personnes ont vu danser le soleil à Fatima, au Portugal. Il y a plus de deux cents ans, le philosophe anglais David Hume résumait remarquablement cela en cette maxime devenue fameuse :
« Lorsque quelqu’un me dit qu’il a vu un [miracle], j’évalue immédiatement s’il est plus probable que cette personne se trompe ou ait été trompée, ou si le fait qu’elle rapporte pourrait s’être réellement produit. Je pèse un miracle par rapport à l’autre, et selon la supériorité que je découvre, je prononce ma décision, et rejette toujours le miracle le plus grand. Si la fausseté de son témoignage semble plus miraculeuse que l’événement qu’elle rapporte, alors (…) peut-il prétendre commander à ma croyance ou à mon opinion » (3).
La fabrication
Edward Bach décida que les fleurs, et plus particulièrement les pétales, ont une action sur les états psychologiques, et que le maximum d’efficacité est atteint en utilisant non la fleur elle-même mais la rosée déposée sur le pétale exposé au soleil – ce dont il se rendait compte en entrant en résonance avec le message des fleurs par la pose des pétales sur sa langue.Il décréta alors que la vertu curative de la plante serait conservée si on déposait les sommités florales, cueillies juste avant la floraison, à la surface d’un récipient rempli d’eau et exposé au soleil pendant plusieurs heures, jusqu’à ce que les pétales se flétrissent. Il faut alors retirer les fleurs, non avec les mains mais si possible avec une tige de la même fleur, puis filtrer ce qu’il reste de liquide, désormais chargé des énergies des fleurs, dans un flacon de verre si possible fumé et ajouter la même quantité de l’alcool choisi ; secouer fort sur une durée variant de 30 secondes à 2 minutes pour dynamiser le mélange et couvrir le tout avec un tissu pendant 48 h. Nous obtenons une teinture mère. Il suffit alors de prendre un flacon de 30 cl, rempli d’un mélange à 40 % de Brandy, alcool né de la Vigne (Vigne : fleur de Bach N°38), et d’y verser sept gouttes de la teinture mère. On retrouve ici tout l’héritage de la doctrine homéopathique d’Hahnemann, avec des éléments de pensée magique. Las ! La fabrication d’élixir agglomère pratiquement toutes les pratiques et le lexique des tenants du Nouvel Âge : d’aucuns prétendent qu’il est nécessaire de se recueillir et demander la permission de la Nature ; d’autres enjoignent à se munir d’un pendule, ou de faire des danses mystiques. Certains encore proposent de partir avec un livre de photos des plantes, de s’imprégner de leur image, puis de fermer le livre et de ramasser celles qui vous conviennent le mieux, qui ont la plus grande aura. Au final, les plus scrupuleux arguent du fait qu’il faut se laver soigneusement, mettre des vêtements propres, et s’efforcer d’entretenir les pensées les plus pures possibles.En bref, la litanie des choses à faire pour obtenir un élixir fonctionnel de la plus pure tradition comporte un tel nombre de possibilités d’erreur que réussir à en réaliser dans les règles de l’art puis à le prendre dans les conditions adéquates relève du miracle, comme dirait Hume, et permet à la pseudo théorie de justifier a priori de son échec potentiel.
Le Public
On le voit, les concepts employés dans la théorie des EFB sont exactement les mêmes que ceux qui régissent les théogonies des dérives sectaires actuelles. De nombreux emprunts sont fait à la sphère écologique, avec les notions de bio, d’équilibre, de holisme, et une vision très théologique de la Nature. Ces pratiques se greffent volontiers aux mouvements « alternatifs » ou « contestataires », animés d’une critique parfois juste d’un monde souvent inique et mû de la volonté que je trouve légitime de bâtir des alternatives. Notons au passage qu’elles font florès également auprès de la gent féminine : une raison à cela, aussi insidieuse qu’efficace, relève de cette entreprise d’abrutissement de masse des femmes que sont les magazines dits « féminins » et leurs consternantes pages Santé, où beauté, psychologie de comptoir et bien-être de la progéniture sont vantés à grands renforts de pseudoscience. La critique des pseudo médecines peut très vite revêtir un caractère politique et social.
Morale et politique
Après ce trop bref aperçu, que reste-t-il de la thérapie florale de Bach et de sa prétendue efficacité ? D’un point de vue scientifique, rien. D’un point de vue moral, c’est tout autre chose.
Si le recours à ces placebos n’est pas dangereux en soi, il arrive que le patient, mal informé et incité par l’effet « vitrine » des pharmacies, opte sur de mauvais conseils pour une thérapie inefficace. On peut en pressentir les conséquences. Pour ne citer qu’un exemple, l’association Aube, renommée depuis Joie de vivre, diffuse les théories du Dr Hamer qui préconise entre autres de soigner le cancer en rompant avec tous les traitements reconnus. Elle comptait un adepte, chirurgien à l’hôpital de Saint-Quentin, qui arrêta des traitements anti-cancéreux pour les remplacer par des Fleurs de Bach, produites d’ailleurs par Aube, et qu’il vendait à son profit dans l’établissement.
Allons plus loin : si prescrire ou conseiller le recours aux remèdes de Bach « ne fait pas de mal », cela fragilise insidieusement le patient vis-à-vis des modes de pensée magique et des notions Nouvel Âge, qui servent souvent d’appâts (énergie subtile, harmonie ou magnétisme des plantes, etc.). On voit de plus en plus souvent des salons « écologiques » présenter des stands vantant les élixirs, et c’est ce genre de voisinage, de plus en plus fréquent, qui est à dénoncer. Si les Fleurs de Bach ne font pas de mal, elles inclinent à des postures naïves infériorisantes et fragilisantes.
C. Berliner, fondateur de l’Association des victimes des pratiques illégales de la médecine (suite au décès d’une petite fille, soignée dans des conditions dramatiques par des guérisseurs d’inspiration anthroposophique) résume assez bien mon inquiétude. Selon lui, les MdA sont dangereuses au sens qu’elles empêchent de poser le diagnostic correct et orientent les malades vers des techniques d’examen qui n’ont jamais fourni la preuve scientifique de leur efficacité. Elles amènent trop souvent à déconseiller les traitements classiques au moyen d’une diabolisation du monde extérieur, de l’allopathie ou de la science, et ce avec parfois des arguments justes. Il ajoute pour information que les principales médecines « alternatives » rencontrées dans les sectes sont l’homéopathie, la médecine chinoise, l’acupuncture et la médecine ayurvédique, l’aromathérapie, le régime macrobiotique Zen, la prière et l’imposition des mains et… les élixirs floraux de Bach ! (4).
Il relève de la salubrité publique de le dire : les thérapies dites alternatives entraînent parfois des conséquences à moyen terme très éloignées du bien-être qu’elles promeuvent.
Recentrer la contestation
Pour clore mon propos, je tiens à rendre justice aux MdA sur au moins un point. La prise en charge du patient y est bien plus longue, lente et appliquée que dans la médecine dite classique. Nous rejoignons là le troisième sens, technopolitique, du terme médecine. Le rejet de la médecine scientifique est couramment opéré par ceux qui rejettent le caractère de moins en moins humain de l’acte médical classique, illustré par certains médecins traitants qui ne nous gardent que dix minutes, les urgences bondées, etc. Opter pour les MdA s’apparente bien souvent à une contestation politique d’un système médical fortement libéralisé. Je trouve cette critique juste, urgente et nécessaire. Néanmoins, choisir, pour contrer ce système, des pseudothérapies inefficaces n’a non seulement pas d’effets sur les choix politiques en matière de santé publique, mais en plus de nous faire risquer notre propre santé, engraissent des pseudo thérapeutes dont l’intérêt recouvre rarement le nôtre – car les pratiques commerciales des fabricants des MdA n’ont qualitativement pas grand chose à envier à celles des fameux lobbies pharmaceutiques. Devient prégnante la nécessité d’offrir une sorte de troisième voie à ce débat trop souvent mal mené sur les médecines « dites » alternatives. Puisse la discussion critique développée dans ce texte et lors du colloque du GEMPPI contribuer à cette troisième voie.
(1) Pour aller plus loin, voir
- Monvoisin R, Élixirs floraux de Bach : étude zététique, critique des concepts pseudo-scientifiques, pseudo-médicaux et des postures philosophiques induites par la théorie du Dr Bach, Annales pharmaceutiques françaises, 2005, vol. 63, no6, pp. 416-428
- Monvoisin R, Fleurs de Bach : une action avérée sur l’esprit critique, Revue Science et Pseudosciences n° 273, juillet-août 2006
- Monvoisin R., Élixirs floraux de Bach. Quintessence d’une illusion, Laboratoire de Zététique, Université de Nice – Sophia Antipolis
(2) On retrouve ce principe dans le Code Civil : Actori incumbit probatio, ou Actori incumbit onus probandi, article 1315.
(3) Hume D. Enquête sur l’entendement humain, 1748, section X.
(4) Source : Commission d’enquête parlementaire belge sur les pratiques illégales des sectes – Audition de M. Ch. Berliner, docteur en médecine et représentant de l’Association des victimes des pratiques illégales de la médecine http://www.dekamer.be/FLWB/pdf/49/0313/49K0313007.pdf
Correspondance avec l’auteur :
R. Monvoisin,
Laboratoire HP2 INSERM ESPRI
Domaine de la Merci – Université Joseph-Fourier – Grenoble I
Faculté de Médecine F-38706 La Tronche Cedex
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