• 19 avril 2024 17 h 37 min

Association GEMPPI

Aide aux victimes / Informations / Sensibilisation sur les dérives sectaires

Temps de lecture : 20 min.

 

2- La Famille Internationale (Les Enfants de Dieu)

 

a) L’apparence d’une généreuse spiritualité :

Une rescapée de la secte des Enfants de Dieu témoigne

 

Myriam Declair

 

Auteure de  « De l’Enfer à l’endroit : j’ai passé 10 ans dans une secte ». Ed. Ourania, 2008.   www.myriamdeclair.org

 

Extraits du colloque  du 2 octobre 2010 organisé par le GEMPPI à

L’Espace Ethique Méditerranéen – Hôpital de La Timone – Marseille

 

 

 

Je vais vous expliquer brièvement comment j’ai rencontré et rejoint ce mouvement,  et ce que j’y ai vécu. Je parlerai un peu de mes difficultés après ma sortie du mouvement, mais surtout des multiples dérives qui ont affecté ma vie personnelle, professionnelle et familiale, ainsi que mon intégrité psychique et physique.

 

Le mouvement des Enfants de Dieu est né à a fin des années 60, aux USA. Il a été fondé par un pasteur de tendance méthodiste, David Berg. Se coupant des églises traditionnelles, David Berg a voulu amener l’Evangile aux hippies rebelles à la société qui sillionnaient les plages de Californie en quête de mieux-être. Les adeptes se convertissaient au christianisme, décidaient de rejoindre le groupe, renonçant à tout bien personnel ainsi qu’à leur carrière, se coupant également de leur famille.

 C’est au début des années 70 que je les ai rencontrés, en Suisse.  Je viens d’une famille de fonctionnaires internationaux et je n’ai manqué de rien dans ma jeunesse sur le plan matériel et affectif. Par contre sur le plan spirituel, il manquait des réponses à mes questions, et c’est ce qui m’a amené à quitter le domicile familial à l’âge de 15 ans en quête de spiritualité et de réponses à mes interrogations existentielles.

C’est à ce moment que je rencontre la communauté des Enfants de Dieu, appelée actuellement plus communément la Famille D’Amour ou la Famille Internationale. Ils vivent en communauté, aspirent à vivre comme les premiers apôtres, prêchent l’Evangile à plein-temps. Leur style de vie m’interpelle. Leurs valeurs répondent à mon idéal. Leur amour et leur joie me font désirer ce qu’ils ont et ce à quoi j’aspire profondément. C’est avec eux que je fais une expérience spirituelle qui va, dans un premier temps, m’amener à découvrir la foi, et à vivre une vie plus sereine…je retourne vivre à la maison, je reprends mes études, je cesse ma consommation de drogues et mon seul désir à partir de là est de devenir missionnaire, en m’engageant totalement avec eux dans la conquête du monde pour Jésus.

En attendant de pouvoir faire partie du mouvement à plein temps et jusqu’à ma majorité, je prends part aux activités en relation avec la communauté en dehors de mes heures scolaires, mais je perds vite tout désir de poursuivre une formation académique, voire tout projet personnel.

 A l’âge de 17 ans, je les rejoins à plein-temps. Mes premières années dans le mouvement sont des années heureuses. Je voyage, prêche l’ « Evangile », chante dans les restaurants, les hôpitaux, les prisons, les homes pour personnes âgées. C’est pendant cette période que j’apprends que nous avons un chef spirituel, un berger, qu’on appelle Moïse David, qu’il reçoit de la part de Dieu des messages divins pour nous, ses brebis qui le suivons.  Moïse David estpour nous un prophète, et Ses paroles sont inspirées de Dieu. C’est ainsi que ses écrits viennent s’ajouter à ceux de la Bible et que nous commençons à les distribuer sous forme de brochures dans la rue, contre une petite rémunération.

 La vie est très règlementée dans la communauté. Les filles et les garçons sont séparés, la morale est stricte. Pas de drogue, pas d’alcool, des lectures spirituelles, environ dix heures de témoignage quotidiens dans la rue… Beaucoup de dévotion, beaucoup de zèle ! Le monde nous regarde, nous admire, nous soutient….quelques personnes nous mettent en garde, nos parents, des pasteurs, des enseignants, mais qu’importe ! … notre but étant d’atteindre le plus d’âmes possible avant la fin du monde… Nous sommes sincères, dévoués, fidèles et habités par un sentiment sans égal : celui d’être choisis par Dieu lui-même pour apporter le salut à un monde en perdition. Je parcours le globe en chantant, partageant le message du Salut, distribuant les lettres de Moïse David à qui veut bien les lire, et me sentant utile et utilisée par Dieu. Jusque là, tout va bien. »

  En 1976, je rencontre celui qui allait devenir mon mari. Lui aussi, fidèle et dévoué, suit les enseignements de Moïse David à la lettre. Nous nous marions et je mets au monde deux fils. Nous voyageons beaucoup et nous donnons sans retenue, de notre temps, de notre énergie, de notre amour, et de nos ressources.

 Deux ans plus tard, Moïse-David commence à recevoir des paroles de Dieu « révolutionnaires », parfois difficiles à accepter pour certains d’entre nous. Il prétend que Dieu lui a montré que nous avions atteint un tel degré de maturité spirituelle de sorte qu’Il pouvait maintenant nous confier une liberté sexuelle. « Dieu est amour », disait-il, et pour citer un verset soi-disant approprié, il nous lisait : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » : Jean 15 :12, ou encore « Celui qui n’aime pas, n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour ». I Jean 4 : 8.

 Dans un premier temps, il s’agit de répondre aux besoins des frères célibataires de la communauté, ceux qui n’ont pas de partenaires. Dans la conception de « Moïse David », (ou « Mo »), il ne devait pas y avoir d’entité de couple égoïste au sein de notre grande famille. Tout se partage, même notre conjoint. Garder son mari ou sa femme pour soi, c’est être égoïste. Si on a des sentiments de jalousie quand son conjoint « partage » avec un frère ou une sœur, on est réprimandé, car disent-ils, la jalousie est un fruit de la mauvais nature humaine. Cette pensée était fondée sur un passage de la Bible, Galates 5 : 19 , qui  parle de ces « œuvres de la chair »…mais ce qui est bizarre, c’est qu’ils ne lisaient pas le verset en entier qui dit : « Or les œuvres de la chair sont évidentes : ce sont la débauche, l’impureté, le dérèglement, l’idolâtrie, la magie, les rivalités, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table, et les choses semblables. »  Concernant le fait de devoir entretenir des relations sexuelles avec les membres de la secte qui n’étaient pas en couple, ils se basaient, en faisant le parallèle entre nourriture et besoins sexuels, sur un verset dans l’épître de Jacques, chapitre 2, versets 15 et 16  qui dit : « Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix ! Chauffez-vous et rassasiez-vous, et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? »

 Ne pas obéir aux injonctions du Prophète, c’est désobéir à Dieu Lui-même : avoir des doutes, c’est pêcher. Poser des questions, c’est remettre en cause l’onction de Dieu sur notre Maître spirituel. Refuser de se donner, ou de donner son conjoint, c’est retenir quelque chose pour soi, c’est refuser le sacrifice total ; ceux qui rechignent sont traités de « vieilles bouteilles », de renégats, ou même de chrétiens de seconde classe. Ils sont réprimandés, humiliés en public, critiqués et jugés.

 Petit-à-petit l’entité familiale se dégrade, il n’y a plus de morale. Ce qui au départ, devait et semblait constituer un acte d’amour devient corrompu. Tout devient naturel. L’inacceptable devient acceptable. Des enfants sont molestés, des conjoints battus, des orgies sont organisées, des mineurs encouragés, voire contraints à coucher entre eux. Mais la doctrine du partage sexuel « par amour » ne s’arrête pas là. Les femmes deviennent également des prostituées, les « putains de Dieu », comme Mo les appelait. En effet, notre Prophète nous annonce un jour qu’une nouvelle méthode révolutionnaire de témoignage lui est révélée par Dieu. Il s’agit de rencontrer des hommes à la recherche de sexualité, d’entretenir des rapports avec eux, puis d’essayer de les convertir à notre religion. Et cela semble marcher ! Je m’aventure dans ces pratiques périlleuses, malgré ma réticence initiale, car je désire être une bonne adepte, obéissante et soumise. Si nous sommes réfractaires à mettre en pratique ce mode de recrutement, cela équivaut à n’être pas vraiment chrétiens, car comme « Jésus s’est donné corps et âme pour le salut des hommes », nous devions faire de même et suivre Son exemple.  Si on trouvait cela tordu ou malhonnête, on nous citait le verset biblique :« Tout est pur pour ceux qui sont purs » ; là encore, ils ne lisaient pas la fin du passage … « mais rien n’est pur pour ceux qui sont souillés et incrédules, car leur intelligence et leurs conscience sont souillées. » (Tite 1 :15).

 On n’avait pas  le droit d’utiliser de contraception. Pour notre prophète, chaque conception était un cadeau de Dieu, et quand une femme tombait enceinte d’un homme qui n’était pas son mari, l’enfant était un cadeau de Dieu, un « bébé d’amour ». On n’avait pas le droit non plus de se protéger. Quand on attrapait une maladie vénérienne suite à un rapport sexuel, on nous disait que l’on s’identifiait ainsi au Christ, car tout comme Jésus sur la croix avait pris nos maladies et nos péchés sur lui, nous prenions sur nous les maladies des hommes. Ils se référaient, en ce qui concerne cette doctrine, à un passage dans un des livres de l’Ancien Testament qui parlerait du Christ : « Ce sont nos souffrances qu’Il a portées, c’est de nos douleurs qu’Il s’est chargé. »  Esaïe  53 : verset 4.

 La pression, non seulement du prophète, mais aussi des adeptes entre eux, est immense. Les uns se dressent contre les autres, on s’épie, se dénonce, on use d’intimidation pour persuader les plus réfractaires…mais surtout, et d’une manière pernicieuse et destructrice, on utilise à tort et à travers la Bible pour convaincre. Moïse David était un spécialiste lorsqu’il s’agissait de tordre le sens des Ecritures pour propager ses doctrines et arriver à ses fins. Pour ma part, les enseignements et doctrines sexuelles de Moïse-David furent très difficiles à mettre en pratique. J’ai été élevée dans une famille stable, sincère et démontrant une éthique de vie morale. La sexualité était réservée pour le mariage, et devait être protégée à l’intérieur de celui-ci. Mo avait réussit à détruire cette conscience et ces valeurs, non pas en m’incitant franchement à la débauche, mais en me faisant croire que Dieu voulait ce style de vie pour moi. Quand bien même je souffrais pendant ces relations, j’étouffais la voix de ma conscience afin de me montrer soumise et « obéissante à Dieu » comme mes supérieurs le désiraient…j’avais peur sinon d’être traitée d’égoïste, par les autres membres de la communauté, mais aussi par Dieu.

 Les situations dans la communauté deviennent de plus en plus incongrues. Pour vous donner un exemple, j’ai rencontré une femme seule avec cinq enfants de cinq pères différents, et dont ces pères avaient disparu aux quatre coins de la planète, et elle était astreinte à vendre des brochures seule dans la rue … beaucoup de femmes tombaient enceintes sans le vouloir, car chaque conception, pour notre gourou, était la volonté de Dieu, et comme je l’ai mentionné, la contraception était interdite.

 A partir des années 80, les choses dérapent encore plus et il y eu des abus de tous genres sur les enfants, les maladies vénériennes, le sida, les problèmes avec la justice, les kidnappings, des suicides, etc. Les adeptes étaient aussi notamment encouragés à se masturber en pensant à Jésus-Christ.  Amoreena  Winkler raconte ces dérapages atroces dans son livre « Purulence », édité par Ego Comme X.

 Ces doctrines ont engendré dans ma vie des souffrances très personnelles et difficiles. J’ai souffert  les fois où je devais partager sexuellement avec des hommes de la communauté, et aussi partager mon mari avec d’autres femmes, où je devais faire taire ma conscience pour être, d’après eux, une bonne chrétienne…. C’est quand j’ai commencé à être à l’écoute de ces souffrances que le premier déclic s’est fait. C’est à ce moment que j’ai eu des premiers doutessur la doctrine et sur l’authenticité de mon « prophète ». Est-ce que Dieu lui a vraiment parlé ? Dieu me demande-t-il vraiment de faire ces choses, sommes-nous dans la vérité en tant que mouvement ? Je savais au fond de moi que certains comportements n’étaient pas justes. Tout en moi le criait, mais mon esprit désirait plaire à Dieu et faire Sa volonté. En usant de pression, de coercition psychologique, et de menaces, Mo avait réussi jusque-là à faire taire mes doutes. Mais à ce moment, je me permets de douter, je me rends à l’évidence que je ne crois plus à 100% que Moise David est un vrai prophète.

 Je remets tout en cause. Pourtant, ma première expérience avec ce mouvement avait été positive, donc pourquoi et comment  en suis-je arrivée là ? Ai-je fait mes propres choix ? Suis-je manipulée ? Qui me contrôle ? A partir de ce moment, je rechigne à obéir à  mes supérieurs, je n’agis plus par conviction ; je commence à réfléchir par moi-même et je ne peux plus me soumettre aveuglément. Mais faire ses propres choix sans être soumis au prophète constitue une hérésie.

 Les dirigeants continuent à me mettent la pression, me condamnent, m’humilient. Je suis parfois forcée à supporter et à m’engager dans des actes vicieux et répréhensibles. Je suis encore à ce stade assez fragile et malléable. Je  ne suis pas assez forte pour résister, je craque… Ils jouent sur mon désir sincère de plaire à Dieu, je suis menacée d’excommunication, je suis jugée.

 La violence devient parfois physique. Mon mari me bat lorsque je refuse d’obéir aux paroles de notre prophète. C’était humiliant pour lui que je ne suive plus le troupeau aveuglément comme auparavant. Il doit constamment faire des excuses pour ma désobéissance. Les enfants  qui résistent sont aussi battus. On chasse les démons des personnes insoumises et rebelles. On menace les personnes réfractaires en disant que Dieu va les punir.

 A partir de là, je prends la décision de quitter le mouvement, de me soustraire à leur emprise. Ma dévotion à mon gourou et maître cesse d’être totale. J’ai eu un déclic, autrement dit, je « décroche », je trouve la force de dire non, de m’opposer aux ordres de mes chefs spirituels.

 C’est à ce moment que mon mari décide de m’abandonner.  Un jour, il fit sa valise et d’un air sérieux, me lit ce passage biblique : « Et quiconque aura quitté, à cause de mon Nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera de la vie éternelle. » (Mathieu 19 :29) Il dit à nos enfants que Dieu l’appelle à nous quitter pour être missionnaire et qu’il ne reviendra jamais, et referme la porte derrière lui. Je n’aurai aucune nouvelle de lui, et ne le reverrai que 13 ans plus tard…

 En me distançant de la « Famille », je perds ce qui a été ma sécurité pendant des années, mes repères, mes valeurs. Tout s’écroule, et je dois repartir à zéro. Je dois me forger mes propres opinions sur les choses de la vie. Il me faut revenir en contact avec mes émotions profondes que j’avais étouffées. Je devais me donner le droit de les ressentir, les analyser et les exprimer. La méfiance vis-à-vis de la société qui m’avait été inculquée a rendu ce processus encore plus difficile.

 La plupart des adeptes qui quittent un mouvement totalitaire, expérimentent à ce stade une période de flottement psychique. On est perdu dans le brouillard de notre vie désarticulée. On sait ce que l’on a quitté, mais on ne sait pas vers quoi on se dirige. On se rappelle des bons moments passés dans le mouvement ce qui nous amène parfois à le défendre, mais on l’accuse aussi d’être la cause de nos malheurs. On a su repérer les techniques de manipulation qui nous ont sérieusement invalidés, mais on n’arrive pas à effacer entièrement l’expérience qui nous a tant marqué.

 Cette période de confusion peut durer des années, jusqu’à ce que l’on arrive à se forger un raisonnement clair sur ce qu’à été notre vécu dans une secte. Cela se fait le plus souvent avec l’aide de thérapeutes, de médecins, d’un pasteur, ou d’un bien-aimé…Dans mon cas, j’ai eu la chance de rencontrer un pasteur qui m’a aidé à faire le tri dans les enseignements du groupe et qui a su me redonner une estime de moi-même, sans me juger.

 

Sortie de la secte, quelques défis se présentent à moi :

 Retrouver ma vraie identité : ma personnalité et mon identité avaient été défaits, et reforgés selon le modèle du gourou ou chef spirituel à la tête du mouvement. Se rendre compte que nous pensons, agissons, et nous comportons comme le gourou que l’on a adulé est parfois découvert comme un choc. Qui suis-je en dehors de la secte ? Je n’ai existé que pour propager les croyances de quelqu’un d’autre, me suis donnée corps et âme aux idéaux d’un mouvement qui suivait les préceptes d’un maître illuminé, que je n’avais, en fait, jamais rencontré.

 M’adapter au monde environnant : que se passe-t-il dans la société, quelle est ma place dans celle-ci, comment me rendre utile, où trouver de l’aide et qui me comprendra ?

 Besoin d’ouverture, de s’instruire, de se renseigner, lire des journaux, regarder la télévision, ce qui était interdit dans le mouvement. J’avais une grande soif relationnelle et intellectuelle.

 Faire confiance à la médecine : on n’allait que très rarement chez un docteur, on n’avait pas le droit de prendre des médicaments, c’était considéré comme un manque de foi, car on nous assurait selon  Marc 16 : 18 : « Ils saisiront les serpents, et s’ils boivent un breuvage mortel, ils ne leur feront point de mal, ils imposeront les mains aux malades et les malades  seront guéris… »

 Faire le tri dans mes pensées : quelles sont celles du gourou, les miennes, celles de mes parents, celles de mes professeurs d’école, etc. Bref : qu’est-ce que je crois, MOI ?

 N’ayant pas suivi de formation,  je me retrouvai complètement démunie face à une société qui me demandait d’assurer, de trouver un emploi, d’élever seule mes enfants, d’être forte, et même de ne plus « jouer à la victime »… ! Le comble pour une victime d’abus de tous genres, est d’être considérée comme coupable et d’entendre ces paroles : « à quelque part, tu l’as bien cherché ! » ou : « Tu étais majeure et capable de discernement ! » Cela démontre une incompréhension face au phénomène de persuasion coercitive que les sectes emploient et n’aide pas à la reconstruction d’une personne ainsi blessée. Et comment combattre cette doctrine si profondément ancrée en moi que  « on ne peut servir Dieu et Mammon »… ? En effet, Moise David nous avait inculqué cette notion d’après ce passage dans l’évangile de Mathieu : « Nul ne peut servir deux maîtres. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent ». ( Mammon signifie en Araméen : divinité de la Richesse. )

 Il faut retrouver l’estime de soi. Dans mon cas, j’ai beaucoup lutté avec l’image de moi-même d’une fille facile, une personne qui avait eu des relations multiples et qui s’était laissé balloter au gré des vents de la passion des hommes qui désiraient me contrôler ou m’exploiter.

 

Après avoir entamé ce processus de reconstruction de ma personnalité et de mon identité, j’ai dû apprendre à poser des limites. Dans la secte, chaque fois que j’avais essayé de mettre une limite à mes actes ou face aux autres, j’avais été rejetée, humiliée, voire même battue.  J’ai eu de ce fait beaucoup de peine à apprendre à poser des limites dans ma vie. Si chaque fois que vous érigez une barrière pour vous protéger des agressions extérieures on vous la démolit, et qu’on marche sur vos platebandes, il devient très difficile de se défendre et même de croire qu’on est en droit de le faire.

 Ce long processus de reconstruction m’a amené petit-à-petit à fonctionner d’une manière plus saine. J’ai conservé la foi en Dieu, mais bien sûr purgée des aspects sectaires.

   

Conclusion : on peut être attiré par certaines exactitudes, et touchés par la sincérité se dégageant des adeptes de mouvements contemporains, mais il n’en demeure pas moins que des mensonges et aberrations peuvent se cacher derrière une façade de réalités exactes et de bons sentiments. Même un bon enseignement, peut devenir le catalyseur de dérives, quand il tombe dans les mains d’abuseurs et de manipulateurs, ces prédateurs qui sont prêts à tout pour vous faire tomber dans leur filet et exercer une emprise sur vous, afin de vous faire des instruments de leur façon de vivre.

 

Le plus important, et j’ai eu cette chance, est lorsqu’on apprend pour finir à agir avec notre propre conscience et à VIVRE LIBRE.

 

 

 

Présentation du livre :« De L’enfer à l’endroit » de Myriam Declair, Editions Ourania 

 

La première partie retrace mon histoire avec la secte des Enfants de Dieu : comment je les ai rencontrés, ce que j’y ai vécu, et comment je suis sortie. La deuxième partie traite de sujets plus théoriques, à savoir : ce qui peut nous amener  à rejoindre un tel mouvement, ce qui caractérise les dirigeants de ces groupes sectaires, la violence sectaire, et comment résister à la manipulation ; il y a aussi une liste de conseils à l’attention des familles et amis de membres,  et enfin des points auxquels il faut faire attention pour ne pas se faire embrigader par un mouvement nébuleux qui pourrait être en fait un groupement dangereux. J’ai aussi ajouté un chapitre sur la situation actuelle des Enfants de Dieu aujourd’hui dans le monde, et une liste des noms qu’ils utilisent dans différents pays.

 

Epilogue

 

Depuis mon intervention au colloque du Gemppi en octobre 2010, certains changements ont été remarqués au sein de La Famille Internationale. Ces changements concernent, entre autres, les relations sexuelles avec  des mineurs,  la liberté de travailler à l’extérieur de la communauté, le choix d’une carrière, et le respect du choix du conjoint dans les relations sexuelles entre adultes. Pour ma part, j’attends encore des excuses de la part des dirigeants, ainsi qu’un acte de dédommagement pour toutes les souffrances engendrées par l’endoctrinement et la mise en pratique (en utilisant la persuasion et la coercition psychologique) des doctrines du groupe. Mais est-ce possible ?…affaire à suivre !

 

 

 

 

b) Les fausses prophéties

 

Le cas de la Famille Internationale

 

   

Témoignage de Myriam Declair, ex-adepte des Enfants de Dieu (La Famille Internationale), auteur de « De l’enfer à l’endroit : j’ai passé 10 ans dans une secte », (version papier) et de « Se libérer d’une secte : récit, conseils et prévention » (version révisée en format électronique)

 

 

Conférence extraite du colloque national « Dérives sectaires : guérisons et promesses illusoires, prophéties…Faux espoirs de sectes et conséquences pour les adeptes », le Samedi 29 septembre 2012 à l’Espace Ethique Méditerranéen** Hôpital de La Timone, Marseille. Organisé par : Le GEMPPI* – Groupe d’Etude des mouvements de Pensée en vue de la Protection de l’Individu

 

 S’agissant d’une conférence, le style du texte correspond au discours oral plus qu’écrit

 

 

 

J’avais 15 ans quand je j’ai rencontré le mouvement des Enfants de Dieu/La Famille Internationale.

 A 17 ans j’ai tout quitté pour devenir « missionnaire » et prêcher l’Évangile dans le monde entier et cela pour le reste de ma vie. Nous avions un berger « le roi David » qui nous écrivait des missives, comportant notamment des prophéties sur les temps à venir.

 Fin 1973, l’approche de la comète comme Kohoutek «frôle» la terre. Moïse David, comme il se faisait souvent appeler, avait prédit que l’Amérique serait entièrement détruite à cause du jugement de Dieu sur ce continent inique et rebelle. Je me souviens qu’à cette époque j’étais si persuadée de la véracité de cette prophétie que j’avais écrit sur le tableau de ma classe de lycée : « Encore 40 jours et l’Amérique sera détruite ! ». J’ai été convoquée dans le bureau du directeur. J’étais tellement sûre que la fin du monde était proche que je ne voulais plus étudier, plus rien ne comptait à part sauver la planète. Cette prophétie, ainsi que d’autres, nous mettait dans un état d’urgence ; nous vivions un état anxiogène important car nous devions gagner le plus grand nombre d’âmes avant la catastrophe.

 La comète est  passée, l’Amérique n’a pas été détruite, mais je n’ai pas du tout remis en cause la prophétie. Pour moi c’était inimaginable que mon maître spirituel, mon prophète, se trompe. Il faut dire que dans ce mouvement j’étais passée de l’athéisme à la foi de manière radicale. Autant dire que c’était l’émotionnel qui était aux commandes et non la raison. Les Enfants de Dieu, maintenant La famille Internationale (voir autres noms d’écran dans le livre de M.Declair), sont des spécialistes pour trouver des explications lorsque leurs (fausses) prophéties ne s’accomplissent pas.

 En 1986, lorsque la comète Halley est passée à proximité de la Terre, la secte a annoncé que cela marquait les débuts du règne de l’Antéchrist prédit dans la Bible, et fixait donc le retour de Jésus-Christ pour 1993. Tout cela, bien-sûr, en se basant sur des « preuves bibliques », comme beaucoup de mouvement religieux le font. On se préparait donc pour ces dates-là, en constituant des stocks de vivres, et en travaillant dans l’urgence. On devait mémoriser tous ces passages bibliques, et prévenir le monde de sa fin imminente. C’était le sens de notre mission : prévenir les gens de la venue du règne de l’Antéchrist et le retour de Jésus-Christ.

 Les enfants aussi apprenaient tout cela par cœur. Ils devaient réciter ces versets, et étaient punis s’ils oubliaient quelque chose.

 Dieu avait aussi prédit que Moïse David mourrait en 1993, au retour du Christ sur Terre ; en fait, il est mort un an plus tard.

 Bien que toutes ces choses prophétisées ne se soient pas produites, les adeptes ne devaient pas trop poser de questions. L’effet de coaptation faisait que l’on ne remettait pas en cause les « révélations reçues directement de Dieu » de notre Prophète.

 Comme plusieurs de leurs prophéties ne se sont pas accomplies, après la mort de David Berg, Maria sa femme et son nouveau mari Peter, auraient « demandé à Dieu » pourquoi elles ne s’étaient pas réalisées. J’ai retrouvé des documentsqui expliquent ce qu’ils auraient « reçus de Dieu ».

 Moïse David n’est pas mort en 1993 comme prévu, car ses adeptes « avaient beaucoup prié pour lui,  et Dieu aurait prolongé sa vie d’une année ». Concernant la comète Kohoutek en 1973 :           « C’était un avertissement de Dieu, mais il n’a pas voulu ôter à l’homme son libre choix ». Ce qui revient à dire que l’on peut changer ce que Dieu a décidé en changeant de comportement.

 Pour les autres prophéties, la raison générale invoquée quant à leur non-accomplissement, était que « les fondements des prophéties restent vrais mais ce sont les détails qui changent en fonction de la décision des hommes ». En résumé Dieu fait durer sa patience envers l’humanité rebelle pour en sauver le plus grand nombre.

 Moïse David avait prophétisé que son fils DAVIDITO serait l’un des deux témoins dont il est question dans l’Apocalypse de Jean.

 Ces deux prophètes de la fin des temps mentionnés dans la Bible seraient des exemples pour toute l’humanité.

 En 2005, le fils de Moïse David (qui s’appelait Ricky Rodriguez), s’est donné la mort d’une balle dans la tête après avoir égorgé la nounou qui l’avait élevé lorsqu’il était petit. Il a commis ce geste parce qu’il a voulu rendre justice à tous les enfants qui ont été abusés sexuellement dans ce mouvement. Sa mère, la gourelle, a expliqué que son fils avait viré du côté de l’Ennemi c’est-à-dire du diable, pour s’être suicidé ainsi.

 Les paroles qui revenaient souvent dans le discours du gourou étaient : « Je vais vous montrer de nouvelles choses que vous ne connaissez pas, une nouvelle ère, je vais vous donner une nouvelle révélation, une nouvelle vision ». Ceci me fait penser aux publicités pour de nouveaux produits commerciaux, de nouvelles thérapies, de nouvelles méthodes pour perdre du poids, etc.…sans parler du « Nouvel » Age…Et ceci continue à activer l’espoir des adeptes, le passé est le passé, notamment les prophéties ratées, et tout doit se porter vers ce qui vient, ce qui est nouveau. Il faut aller de l’avant.

 

 

 Après avoir quitté la secte des Enfants de Dieu, j’ai appartenu quelques années au mouvement évangélique.

 J’y entendais souvent « Dieu m’a dit ceci …», ou « Dieu m’a révélé que… ».

 J’ai lu un livre récemment émanant de ce mouvement évangélique intitulé : « Ainsi parle  l’Eternel ? ». Ces soi-disant prophètes sentent bien que lorsqu’un adepte vient les voir, il est tentant de lui annoncer ce qu’il a envie d’entendre : « Dieu me montre que tu seras guéri, riche, que tu vas trouver une femme, etc. ».Ces prophètes autoproclamés sont généralement des gens imbus d’eux-mêmes, égocentriques, des personnes en position d’autorité, faisant l’objet d’un intérêt, d’une « grâce toute particulière accordée par Dieu ». On trouve ainsi dans nombre de livres évangéliques des affirmations du genre « le Seigneur m’a révélé que… le Seigneur dit que… ». Ces prophéties ou paroles transmises par Dieu à ses porte-paroles peuvent causer beaucoup de dégâts car ceux qui leur accordent du crédit connaissent souvent des situations de détresse, d’anxiété et doivent souvent faire des choix importants pour leur vie ; il leur arrive de prendre des décisions en dépit du bon sens en se conformant aux révélations de ces prophètes qui finalement prophétisent leurs propres pensées.

 

  

La Famille d’Amour a opéré certains changements il y a deux ans

 

Auparavant les adeptes avaient des relations sexuelles avec les enfants, mais depuis deux ans le mouvement l’interdit et excommunie les adultes coupables. Mais ils n’en sont pas encore venus à les exposer à la justice. Les adeptes ont maintenant la possibilité d’aller travailler et d’étudier, ce qu’ils ne pouvaient pas faire auparavant, car ils se basaient sur la citation de Jésus : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. »

 Ils n’habitent plus en communauté comme avant, ils vivent où ils veulent, par contre ils doivent encore envoyer cinq euros par mois à la dirigeante pour pouvoir recevoir ses publications (directives et prophéties). Avant ils devaient envoyer 10 % de leurs revenus au Centre Mondial basé à Zurich en Suisse. Autre changement : les pères géniteurs d’enfants qui ont quitté le groupe, doivent leur verser une pension. Cette nouvelle instruction est très importante, car auparavant, les pères n’avaient aucune obligation envers les enfants qui avaient quitté le mouvement. La pratique du Flirty Fishing, prostitution pour convertir des adeptes potentiels, ne serait plus pratiquée.

 J’ai voulu m’assurer de ces changements, j’ai donc écrit à la gourelle, Maria Fontaine, (Karen Zerby de son vrai nom). J’ai évoqué le fait que j’écrivais un nouveau chapitre pour mon livre sur ces changements. Elle ne m’avait jamais répondu auparavant. Mais pour la première fois depuis mon entrée dans la secte, elle me répondit personnellement. Je lui ai donc demandé si ces changements étaient confirmés et comment elle et son mari allaient s’assurer qu’ils soient mis en pratique par les adeptes. Elle m’a envoyé un mail, contenant quelques vagues excuses pour les souffrances que le mouvement m’avait causé et confirmé les changements. Je lui ai alors demandé ce qu’elle comptait faire pour dédommager les victimes, elle a répondu que ni elle ni le groupe n’avait aucun moyen financier (alors que l’on sait qu’ils ont de l’argent dans une banque suisse). Je suis donc restée sur ma fin puisque j’attendais bien sûr de leur part non seulement une demande de pardon sincère, mais aussi des actes pour le prouver.

 

 

 

Discussion avec l’auditoire

 

 

Comment s’est passée la sortie de secte ?

 Myriam Declair: je suis entré dans la secte à l’âge de 15 ans, j’en suis sorti à 26 ans avec quatre enfants de moins de six ans. Mon mari m’a quitté parce que je ne voulais pas mettre en pratique la doctrine de la secte, donc je me suis retrouvée seule avec quatre enfants très jeunes et là, je me suis vraiment posé des questions.  Je n’avais aucune formation, car on nous avait amené à renoncer à tout et donc aux études pour servir Jésus.

En fait il m’a fallu 10 ans pour me rendre compte que j’étais une victime et qu’on avait manipulé.

 J’ai la chance d’avoir eu des amis à la sortie pour m’aider et d’être encore assez jeune pour reprendre des études.

 

 

Au point de vue de la santé, y avait-il des risques pour les adeptes ?

 Myriam Declair:  on n’avait pas le droit de prendre des médicaments car dans le groupe c’était considéré comme un manque de foi et Dieu nous dispensait du médecin.

 J’ai vu des tas de gens très malades et notamment une jeune fille de 18 ans qui avaient une grossesse extra utérine et qui avait très mal au ventre. Les adeptes se sont mis à prier pour elle, lui ont imposé les mains pour qu’elle guérisse. Ça a duré des heures de prière et finalement quelqu’un est allé appeler les secours. Mais elle est morte dans l’ambulance en allant à l’hôpital.

 Le médecin des urgences nous a dit : « si vous l’aviez amené cinq heures avant, on aurait pu la sauver ».

 Il y a eu pas mal de situation comme celle-là. Moi-même un jour on a pris tous les médicaments que j’avais gardé en réserve pour mes enfants et ils ont tout jeté à la poubelle et m’ont dit que c’était un manque de foi que tout cela. Bref, il fallait faire confiance en Dieu pour sa santé.

 Quand on était malade et qu’on ne guérissait pas par la prière on culpabilisait car c’était encore  à cause de notre manque de foi.

 On nous ressassait que la Bible révèle : « priez et vous serez guéris ».

  

Comment a réagi la secte à votre égard quand vous l’avez quitté ?

 Myriam Declair: entre le moment où j’ai compris la nature sectaire de mon groupe et le moment où j’ai quitté le groupe ça m’a pris deux ans. Mais lorsque j’ai quitté la secte j’étais l’objet de menaces.

 Mais déjà auparavant j’étais battu dans le groupe lorsque je n’étais pas d’accord avec les paroles du gourou, lorsque je refusais d’obéir : on me frappait et on m’humiliait. Il faut dire que dans la secte on était obligé de partager notre conjoint avec les autres et parce que j’avais refusé de le faire, on m’a dit que j’étais égoïste, jalouse, que Dieu allait me punir.

 Quand je suis partie avec mes quatre enfants, lorsque je rencontrais des adeptes de la secte dans la rue, ils me disaient « tu vas être foudroyée, tu va mourir, parce que tu es rebelle à Dieu ».

 

Vous pouvez trouver le témoignage de Myriam Declair sur son site : www.myriamdeclair.org, ou commander son livre directement sur ce lien : http://www.myriamdeclair.org/_publications.htm

 

 

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